La nouvelle mascarade électorale vient donc de s'achever. Comme prévu, l'apprenti dictateur Faure GNASSINGBE a été proclamé vainqueur. Tous les principaux protagonistes de cette farce ont affiché leur satisfaction: le clan le RPT/UNIR, bien sûr, mais aussi l'UFC, le parti allié, qui dans un communiqué a salué «un
processus électoral apaisé», remerciant au passage «l'ensemble de la communauté internationale notamment l'ONU, l'UA, l'OIF, l'UE». Quant à la fameuse «communauté internationale», elle n'a pas été en reste, parlant de progrès de la démocratie, allant jusqu'à désigner notre pays comme un futur modèle en la matière.
Dans ce concert d'unanimisme, Jean-Pierre FABRE et ses affidés de CAP 2015, se distinguent par quelques gesticulations; Tandis que lui-même tente de nous refaire le coup de Bob AKITTANI, ses affidés s'efforcent de justifier leur participation à ce scrutin, avec des arguments qui ne trompent personne, mais qui sont une véritable insulte à l'intelligence du peuple togolais. Ils expliquent, le plus tranquillement du monde, que c'est cette participation qui leur a permis de révéler l'ampleur de la fraude! Rien que cela ! Comme si le peuple togolais avait encore besoin d'une preuve de plus ! Comme si les Togolais étaient des imbéciles ! Rien que du déjà vu en somme.
Dans cette situation, l'indignation que doivent légitimement éprouver les démocrates et les honnêtes gens, ne suffit pas. Il faut aller au-delà de la mascarade, mettre à jour sa signification politique réelle, c'est-à- dire: les intérêts qu'elle concerne, ses tenants et aboutissants, le rôle des différents protagonistes. C'est de cette manière que nous pourrons trouver les meilleures réponses aux interrogations sur le sens de notre lutte.
Un scénario «à l'ivoirienne».
Un événement qui mérite d'être relevé, et apprécié à sa juste mesure, c'est le voyage entrepris chez nous par les présidents ghanéen et ivoirien John DAHMANI et Alassane OUATTARA, trois jours après le scrutin. Officiellement c'était pour accompagner le processus électoral et s'assurer que tout se déroule dans un climat apaisé et sans risque de crise postélectorale. Mais ce genre d'explication peut justifier à la rigueur la présence du président ghanéen qui est aussi le président en exercice de la CEDEAO, mais il n'en est pas de même pour ce qui concerne OUATTARA, qui n'est plus à la tête de cet organisme. La vraie raison de sa présence, c'est qu'il a une expérience à partager en matière de coup de force électoral, puisque c'est de cette manière qu'il est lui-même devenu président de la République de Côte d'Ivoire.
Rappelons brièvement les faits. Cela en vaut la peine tant sont grandes les similitudes.
En Côte d'Ivoire l'élection présidentielle se fait à deux tours. A l'issue du premier tour, les deux candidats élus et appelés à se présenter au second tour sont Laurent GBAGBO, le président sortant et Alassane OUATTARA. Ce second tour a lieu le 28 novembre 2010. Entre temps, le 3 octobre s'est produit un fait sur lequel on a rapidement étendu un voile de silence et qui mérite d'être rappelé: Konan BEDIE, qui à l'issue du premier tour, venait officiellement en troisième position, fait une déclaration tonitruante en plein congrès du PDCI; il affirme ouvertement qu'on l'a spolié de 600. 000 voix et qu'il en a informé la CEI, le Conseil constitutionnel, l'ONUCI et diverses chancelleries. On imagine ce qui se serait passé si une suite sérieuse avait été donnée à sa déclaration, et qu'une vérification lui avait donné raison: OUATTARA serait passé au troisième rang et donc éliminé pour le second tour ! Mais fort opportunément, BEDIE a «oublié» ses revendications, et OUATTARA est officiellement resté en deuxième position, ce qui lui a permis de se porter candidat pour le second tour contre GBAGBO.
Dans ce pays, c'est la CEI (Commission électorale indépendante) qui, à l'instar de la CENI de chez nous; supervise l'organisation des élections, le dépouillement du scrutin, la collecte des résultats qu'elle transmet au Conseil constitutionnel à qui il revient de vérifier, de valider et de proclamer le résultat officiel et définitif. Mais le 2 décembre 2010, alors que ce travail de vérification n'était pas encore achevé; voilà que Youssouf BAKAYOKO le président de la CEI fait une déclaration publique et proclame OUATTARA vainqueur
du scrutin. Et ce de son propre chef, sans aucune concertation, sans accord préalable avec les autres membres de la CEI, qui d'ailleurs cherchaient en vain à le joindre. Cette déclaration, BOKAYOKO ne s'est même pas donné la peine de la faire depuis le siège de la CEI ni même en terrain «neutre», il l'a faite depuis l'Hôtel Ivoire où se trouvait l'état major de campagne de OUATTARA! Et qui plus est, encadré par les ambassadeurs des États-Unis et de la France ! Par la présence de leurs diplomates, ces grandes puissances impérialistes apportaient ainsi leur appui et leur caution à cette initiative. La presse internationale était présente elle aussi, et ce n'était certainement pas un hasard: elle s'est empressée de répandre la nouvelle de par le monde. Ainsi, tout été fait sur le plan politique et médiatique, pour légitimer ce qui n'était rien d'autre qu'un coup de force électoral une violation de la légalité, pour délégitimer et discréditer le Conseil constitutionnel et faire passer ses rappels à la loi, pour un refus de GBAGBO d'accepter le verdict des urnes. Ce qui justifiait par avance le coup de force militaire qui a suivi le coup de force électoral.
C'est incontestablement cette expérience en matière de coup de force électoral que OUATTARA est venu partager avec le régime togolais. Il suffit de voir ce qui s'est passé chez-nous le 28 avril et, la manière dont Taffa TABIOU, le président de la CENI est allé proclamer FAURE vainqueur, sans aucune concertation avec la CENI alors que le vice président était bloqué par la gendarmerie et empêché de s'exprimer: la similitude avec le scénario ivoirienne de 2010 est frappante. C'est donc à juste titre que nous avons parlé de «scénario à l'ivoirienne».
Jean-Pierre FABRE et CAP-2015: Un faire valoir pour FAURE Gnassingbé.
Il est vrai qu'en Côte d'Ivoire le coup de force électoral a été suivi d'un sanglant coup de force militaire, et que cela n'a pas été le cas chez nous. Il y a une explication à cela. En Côte d'Ivoire, le candidat GBAGBO n'entendait pas se laisser faire face à ceux qui tenaient à le déloger à tout prix: ces derniers ont donc fini par recourir à la force sous le couvert de l'ONU et de la fameuse «communauté internationale». Chez-nous, il apparaît que les motivations de Jean-Pierre FABRE étaient ailleurs.
En effet, il est clair que si le chef de file de CAP 2015, s'est porté candidat, c'est parce que face à FAURE la candidature d'un leader en vue comme lui était censée donner quelque crédibilité à ce qui n'était qu'une mascarade. Il s'est donc laissé persuader, on ne sait que trop comment, mais la manière dont lui et ses acolytes ont opéré ce virage à 180 degrés auquel nous avons assisté, les arguments bidon: auxquels ils ont eu recours pour tenter de se justifier, montrent bien que les moyens de persuasion ont été particulièrement persuasifs et conséquents. C'est ainsi que les mêmes qui, pendant des semaines et des mois, n'avaient cessé de réclamer des réformes constitutionnelles et institutionnelles, et qui organisaient des manifestations de rue aux cris de PAS DE REFORMES, PAS D'ELECTION, se sont mis tout d'un coup à raconter avec un aplomb incroyable, qu'ils n'ont jamais rien dit de tel, et qu'ils ont seulement voulu expliquer que «l'élection présidentielle n'aura pas de sens sans les réformes»! Mais alors
pourquoi participer à cette élection qui «n'a pas de sens», puisque justement les fameuses réformes n'ont pas eu lieu ? Pourquoi, alors que même la Commission épiscopale Justice et Paix, se fondant notamment sur l'expérience de l'élection présidentielle de 2010, a décidé de ne pas envoyer des observateurs sur le terrain, contrairement à son habitude ?
Face aux réserves qui venaient de toutes parts, ils sortent une justification invraisemblable: ne pas aller aux élections ce serait «offrir un boulevard» à FAURE. Argument bien connu que la réalité a toujours démenti: la participation de l'opposition dite démocratique aux élections n'a jamais empêché le pouvoir de s'offrir «un boulevard», et d'atteindre ses objectifs. Mais le comble, c'est qu'une fois FAURE proclamé vainqueur, les voilà qui viennent répéter en chœur, comme une leçon bien apprise, qu'ils ont été volés, et que leur participation a néanmoins permis de mettre à nu le régime RPT/UNIR et ses méthodes, et de démontrer l'ampleur de la fraude dont le régime est capable. Comme si tout cela n'était pas déjà connu ! De fausses justifications, des arguments bidons pour tenter de dissimuler la vraie réalité, à savoir que tout était plié d'avance, et que Jean-Pierre FABRE, n'était là que pour servir de faire valoir à FAURE.
Mais on peut se demander pourquoi, dans ces conditions le recours à ce hold-up de TABIOU, et, à cette action «à l'ivoirienne». ? En fait ce coup de force visait à impressionner ceux qui, à la base de CAP 2015, ont une fois de plus pris au mot les discours de leurs leaders et ont commencé à croire à la victoire! De trop longues querelles autour du dépouillement pouvaient accroître les tensions dans ce milieu, et dans ce cas, des
manifestations de rue étaient à craindre. Il fallait donc couper court à tout cela, pour pouvoir parler «d'élections apaisée» et c'est la vraie raison de cette opération. D'ailleurs la réaction de Jean-Pierre FABRE, et notamment sa décision de ne pas saisir la Cour constitutionnelle, est fort significative: officiellement c'est, dit-il parce que cet organisme est entre les mains du pouvoir. En fait, la vraie raison, c'est que Jean-Pierre FABRE était lui aussi partisan d'une «élection apaisée», et voulait de son côté calmer le jeu, et c'est ce qui s'est passé. Voilà pourquoi nous avons connu au Togo une issue différente.
Mais cette différence avec la Côte d'Ivoire n'est pas si grande qu'on le croit. Chez-nous les dispositions d'ordre militaire et policier prises par le pouvoir à la veille du scrutin montrent bien qu'il était prêt à frapper, à user de la force la plus brutale en cas de besoin. Il n'en faisait d'ailleurs pas mystère, à en croire la déclaration menaçante et pleine de morgue du ministre Gilbert BAWARA, le 23 mars 2015: «Si jamais un d'entre eux pose un acte qui est de nature à créer l'insécurité, qui est de nature à créer la violence, vous pouvez être certains, nous allons le placer à l'endroit où il va avoir le temps pour réfléchir. Nous les suivons de près; celui d'entre eux qui franchira la borne entre liberté d'opinion et de l'autre côté l'ordre public, nous allons l'aider à mieux réfléchir en le laissant là où il y a un peu plus de calme et de tranquillité...».
Pour pousser plus loin la comparaison, nous rappelons qu'actuellement en Côte d'Ivoire un homme politique se prépare à jouer le même rôle que celui que Jean-Pierre FABRE vient de jouer chez nous, c'est-à-dire à servir de
faire valoir à OUATTARA, à l'occasion de la prochaine élection présidentielle prévue pour le mois d'octobre prochain: il s'appelle Pascal AFFI NGUESSAN.
Pascal AFFI NGUESSAN c'est celui qui avait succédé à Laurent GBAGBO à la tête du FPI. Alors que le parti avait décidé de ne pas participer aux divers institutions et de boycotter les diverses élections tant que GBAGBO est retenu prisonnier, lui décide de se présenter. Des sommes importantes lui ont été allouées; (on parle de 400 millions CFA) au titre du financement des partis politiques, alors que son parti n'est pas représenté au parlement. Tout est donc réuni pour que OUATTARA puisse déclarer en octobre prochain, qu'il a été élu à l'issue d'un scrutin où tous les partis politiques même le FPI ont pu présenter leur candidat. Et certainement avec la bénédiction de la fameuse «communauté internationale» et des grandes puissances occidentales.
Cette recherche de points communs avec le cas ivoirien est fort utile à plus d'un titre: elle nous permet de comprendre que cette élection présidentielle truquée n'a pas seulement pour but la simple reconduction de l'apprenti dictateur, mais que derrière la mascarade électorale, c'est la consécration de l'alliance entre les bourgeoisies au pouvoir dans la sous région au Togo, au Ghana, en Côte d'Ivoire; que cette alliance bénéficie de la caution et de l'appui des grandes puissances impérialistes occidentales (France, Allemagne, États-Unis...) comme en témoignent l'unanimité avec laquelle leurs représentants ont salué le résultat du scrutin et leur manière cynique de parler d'un prétendu «modèle» togolais en matière de
«démocratie»; que la participation du clan OLYMPIO à cette alliance est plus évidente que jamais.
Il apparaît ainsi clairement, une fois de plus, que la liberté et la démocratie réelle sont indissociables de la libération nationale; que la lutte pour la liberté et la démocratie implique nécessairement la lutte pour nous affranchir du régime d'oppression, mais aussi de l'emprise des puissances impérialistes étrangères. Par ailleurs nous voyons à cette occasion à quel point les bourgeoisies néocoloniales de nos pays sont capables de se donner la main contre nos peuples. Cela nous éclaire, sur la nécessité pour les démocrates et les peuples de nos pays de s'épauler mutuellement, et donc sur la nécessité pour nous d'affirmer notre solidarité avec les citoyens de Côte d'Ivoire qui ont dû s'exiler dans notre pays, et auxquels le pouvoir de l'apprenti dictateur ne cesse de faire des misères. Leur situation nous interpelle d'autant plus que nous résidons nous- mêmes en terre étrangère.
Cette démarche nous offre aussi l'occasion d'avoir la confirmation, que notre situation, loin d'être un cas à part, se rencontre dans d'autres pays, et que par conséquent on peut en apprendre beaucoup en portant nos regards au-delà de nos frontières, pour partager des expériences avec les autres peuples. C'est l'un des points essentiels qui séparent les démocrates que nous sommes, de tous ceux qui se disent membres de l'opposition.
L'opposition dans l'impasse
Nous le précisons bien, dans les circonstances actuelles c'est l'opposition dite démocratique qui est dans l'impasse et elle seule, mais certainement pas nous autres démocrates. Il y a de nombreux compatriotes qui pensent encore aujourd'hui que les démocrates et l'opposition c'est la même chose et qui s'étonnent même que nous réservions tant de critiques à cette dernière-ci.
Il faut donc commencer par éclaircir la question, expliquer en quoi nous sommes différents et pourquoi nous tenons à marquer notre différence avec cette opposition. On pourra ainsi, non seulement, comprendre pourquoi nous ne sommes nullement dans l'impasse, contrairement à l'opposition dite démocratique, mais aussi avoir une idée claire de nos tâches.
Le terme même d'opposition implique par définition la compromission avec le pouvoir dictatorial. En politique aucun terme n'est neutre. Ainsi, c'est à la notion de majorité que renvoie la notion d'opposition. On parle ainsi de majorité parlementaire, de majorité présidentielle ou de majorité gouvernementale, pour désigner le parti ou la coalition qui a remporté les élections et, on donne le nom d'opposition au parti ou à la coalition de partis qui a perdu les élections, et qui espère devenir majoritaire à son tour. Cela suppose que la majorité et l'opposition s'accordent sur le système, et notamment sur le déroulement des scrutins, qu'elles participent de concert à son fonctionnement, chacune dans son rôle et à sa place, avec seulement des nuances qui les différencient.
En gros c'est ce qu'on appelle l'alternance. Or nous savons que chez-nous le pouvoir a confisqué toutes les instituions à son seul profit, et ne se maintient aussi par la répression et la fraude électorale. Et ses méthodes de gouvernement montrent bien qu'il ne représente pas la majorité.
D'ailleurs l'opposition elle-même n'a jamais cessé de crier à la fraude électorale et à l'absence d'alternance. Face à un tel pouvoir, qui de toute évidence, est une dictature anti-populaire, il ne peut être question d'une simple opposition. Sauf si l'on ne cherche pas à le combattre réellement, mais plutôt à trouver avec lui un terrain d'entente. Parce que dans le fond, on ne veut pas reconnaître ce pouvoir comme une véritable dictature. On remarquera, d'ailleurs en passant que c'est très rarement que les leaders de l'opposition dite démocratique (et d'ailleurs pas tous) font usage de ce mot de dictateur...
Ce terme d'opposition est donc déjà en soi un programme: celui de la démocratie par la conciliation, de la compromission continue avec la dictature, avec les résultats que l'on sait... L'opposition, comme son nom l'indique donc, ne fait que s'opposer au pouvoir elle ne met pas nécessairement pas en cause son existence, par conséquent elle ne cherche pas à la combattre. Les démocrates quant à eux veulent la combattre jusqu'au bout, jusqu'à sa destruction totale, jusqu'au démantèlement complet de tout le système dictatorial. Ce qui fait déjà une différence.
L'opposition un fourre-tout hétéroclite.
Le fait est que l'opposition peut être motivée par des raisons les plus diverses qui n'ont pas nécessairement de rapports avec la démocratie; pour certains cela peut être simplement la soif de promotion personnelle, l'ambition déçue, la rancœur et le désir de vengeance etc. Il résulte de tout cela que l'opposition est un fourre tout hétéroclite où il est difficile de s'y retrouver. Ajoutons qu'il existe même des cas d'opposition par intermittence.
En effet, au gré de son intérêt du moment, on peut à l'exemple de l'UTD en 1994, cesser d'être momentanément un parti de l'opposition pour devenir un «parti charnière», le temps d'occuper un poste de premier ministre. Dans le même sens, nous citerons l'exemple d'AGBEYOME Kodjo: ce haut dignitaire du RPT, a de façon tonitruante rejoint les rangs de l'opposition en compagnie de Dahuku PERE, à la grande joie de nombreux leaders; puis il est retourné au bercail ! Bref, il n'y a rien de plus confus que cette opposition. Certains ont prétendu y voir clair dans cette confusion. Ils ont voulu distinguer des tendances et c'est ainsi qu'on a parlé d'une opposition radicale, d'une opposition modérée; sans parler d'une opposition historique. Mais le fait est qu'on ne sait toujours pas exactement encore aujourd'hui ce que ces termes recouvrent. Ainsi pendant longtemps c'est à l'UFC de Glichrist OLYMPIO que revenait ce titre d'opposition radicale; puis, l'accord passé avec le RPT/UNIR en 2010, a montré ce qu'il en est de cette «radicalité». Aujourd’hui, c'est Jean-Pierre FABRE qui essaie de reprendre le drapeau, mais manifestement il rencontre quelques difficultés surtout après la mascarade électorale d'avril 2015.
Il y a aussi certains autres qui veulent distinguer «un courant majoritaire de l'opposition». Par opposition sans doute à un «courant minoritaire». Une telle distinction suggère l'idée d'une «opposition» considérée comme un tout, une sorte d'entité, au sein de laquelle existeraient des «courants», certains dits majoritaires, et d'autres minoritaires, Un peu comme un parti avec des courants mais où tous les adhérents au-delà de ces courants, se revendiquent de la même organisation: On voit tout de suite à quoi aboutit cette présentation des choses: à éviter de présenter les faux démocrates et faux amis du peuple comme tels, et à éviter ainsi d'avoir à se démarquer franchement de ces derniers et d'avoir à les combattre. C’est une attitude qui n'aide pas à y voir clair, qui ne fait qu'ajouter la confusion à la confusion, c'est pourquoi on la dénonce.
Depuis bien longtemps les démocrates ont dressé leur profil, et mis en lumière ce qu'ils ont de commun et qui justifie ce qualificatif de faux démocrates et de faux amis du peuple. Il suffit de consulter leurs diverses publications. On peut le résumer ainsi:
➢Le parcours politique
Ce sont pour la plupart des hommes compromis avec l'autocratie, tels qu'un Edem KODJO, un AGBOYIBO, un EKON etc. Il s’agit d'hommes (ou de femmes) qui ont servi la dictature à un poste élevé. C'est en effet, un indicatif fort significatif de la confiance qu'on peut faire ou non à un homme politique. Cela signifie concrètement que le peuple ne peut se permettre aucune illusion sur ceux qui se sont compromis avec la
dictature en occupant des fonctions de hautes responsabilité au sein de la dictature, dans le parti RPT/UNIR (comme président, secrétaire général, secrétaire régional), au sein de l'appareil d’État (premier ministre, ministre, directeur de cabinet, préfet, responsable de la répression) ou dans l'appareil économique. Parce qu'il s'agit de responsabilités conscientes, assumées et non forcées. Parce qu'à ce niveau on ne pas dire qu'ils se sont trompés, et ils n'ont droit à aucune excuse. Ainsi, c'est à partir de ces critères, que dès 1990, les démocrates ont mis en doute les professions de foi démocratiques d'un Edem KODJO, membre fondateur du RPT, ancien premier ministre d'Eyadema, et qu'ils l'ont dénoncé comme faux démocrate et faux ami du peuple.
La vie leur a donné raison. C'est également en s'appuyant sur ces mêmes critères ils ont fait de même en 2002, à propos d'un AGBEYOME Kodjo lorsque celui- ci s'est mis tout à coup à critiquer le régime, après y avoir occupé de très hautes fonctions. On se rappelle que certains dirigeants de l'opposition dite démocratique s'étaient alors permis de parler de «miracle», même d'une «opération du Saint Esprit» à propos de cette prétendue conversion. Qu’AGBEYOME se retrouve aujourd'hui à côte de FAURE, cela n'a rien d'étonnant.
Il est vrai que ces dignitaires de l'opposition dite démocratique, n'ont pas tous nécessairement un lourd passé de militants RPTistes. Nous pensons aux ex- ministres GNININVI et ADIMADO ADUAYOM . Le dernier étant connu pour avoir commencé sa vie politique en militant résolument contre le régime dans des organisations réputées anti-impérialistes.
Mais c'est ce qu'ils sont devenus aujourd’hui qui doit retenir notre attention, et à cet égard il n'y a aucun doute à leur sujet: par leur participation au gouvernement de la dictature, ils méritent bien les mêmes qualificatifs de faux amis du peuple et de faux démocrates, au même titre que les dignitaires RPTistes «convertis». Ils sont d'ailleurs bien placés pour tromper le peuple car, ils peuvent mettre en avant leur passé politique de militants démocrates.
➢Ce sont des valets de l'impérialisme.
C'est un rôle qu'un AGBOYIBO admet ouvertement lorsqu'il affirme qu'il peut servir lui aussi les intérêts de la France. On notera dans le même sens, que la première préoccupation de chacun d'entre eux, c'est de trouver un appui auprès des puissances impérialistes qu'ils qualifient de «puissances amies». Or justement, les intérêts de ces puissances impérialistes vont à l'encontre de notre démocratie. La manière unanime dont elles ont légitimé et cautionnée la mascarade électorale le confirme une fois de plus.
➢L'ambition personnelle est leur principale motivation.
C'est ce qui explique la multitude des partis politiques. En effet, pourquoi tant de partis d'opposition alors qu'ils se réclament tous de la démocratie, de l’État droit ? Parce que chaque leader tient à avoir «son» parti, et ne veut pas du tout se mettre sous un autre. L'ambition personnelle se voit aussi dans les rivalités auxquelles ils se livrent pour leur promotion.
Lorsqu'un Edem KODJO déclare tout d'un coup en 1994 que son parti est un «parti charnière» et que les députés de son parti désertent les rangs de l'opposition, permettant ainsi au RPT de conserver la majorité parlementaire, c'est pour être nommé Premier ministre, et c'est bien l'ambition personnelle qui le guidait.
Lorsqu'un AGBOYIBO déclare qu'il est lui aussi disposé à servir les intérêts de la France, il signifie clairement que ce qui l'intéresse avant tout c'est sa propre promotion, même s'il doit pour cela servir les intérêts d'un pays étranger. Il en a d'ailleurs été récompensé, puis qu'il a finalement été nomme premier ministre de FAURE.
Ils considèrent que la démocratie c'est d'abord leur affaire à eux, à cause de leur instruction, de leur compétences, voire de leur prestige international. Ils estiment pour ces raisons qu'ils ont la légitimité et les capacités «naturelles», en quelque sorte pour pouvoir obtenir cette démocratie par la négociation. Puisque selon eux la démocratie est une affaire de négociations et que ce sont les négociations qui déterminent le processus démocratique. Le peuple peut juste servir de moyen de pression, en combinaison avec la pression de la «communauté internationale», comme le dit si bien AGBOYIBO. Pour eux, le peuple n'est pas l'acteur de son propre histoire; c'est juste une masse de manœuvres...
Cette démocratie, pour eux c'est avant tout l’État de droit, l'alternance. C'est ce qui leur importe le plus, parce que ce qu'ils veulent avant tout, c'est un système et des institutions qui permettent à eux aussi d'accéder au pouvoir, sans difficulté... Quant à savoir ce qu'ils veulent faire de ce pouvoir, s'ils y parviennent, c'est-à-dire ce
qu'il en est de leur programme en matière de transformations démocratiques, c'est le mutisme complet. C'est qu’en fait ils ne proposent rien de différent, de ce que fait le pouvoir, Et c'est pour cette raison qu'un Edem KODJO, un AGBOYIBO peuvent occuper le poste de premier ministre d'EYADEMA et de FAURE sans problème; c'est aussi pour cette raison qu'il peut y avoir autant de passerelles entre le pouvoir et cette opposition. Ce qui montre que c'est bien l'ambition personnelle, le désir d'accéder à des postes, qui les motive. C'est en passant tout cela en revue, que les démocrates ont décidé de leur appliquer les termes de faux démocrates, et de faux amis du peuple. C'est à partir de leur expérience qu'ils ont déduit des normes et des critères qui permettent de distinguer les vrais et les faux démocrates. Ces normes et critères sont donc les suivants:
•Le parcours politique.
•Les prises de positons et déclarations politiques.
•La pratique politique en rapport avec les déclarations politiques évidemment.
C'est à partir de ces normes et critères que les jugements des démocrates sur les faux amis ont été toujours confirmés. Une fois que le peuple les aura également assimilés, il saura de lui-même les démasquer d'emblée et ne se laissera plus embobiner par des faux amis pour s'apercevoir seulement après coup qu'il a été trompé et trahi. Aujourd'hui c'est l'ensemble des tenants de l'opposition dite démocratique qui est donc dans l'impasse. Ils sont dans l'impasse d'abord parce qu'ils sont
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incapables de justifier leur politique. C'est le cas d'abord de CAP 2015, et de Jean-Pierre FABRE, tous ceux qui ont appelé à aller voter. Leur revirement de dernière minute a du mal à passer, tout comme leurs tentatives de justifications.
A qui veulent-ils faire croire qu'il a fallu ce cirque électoral pour vérifier l'ampleur de la fraude ? FABRE et ses compères en sont réduits à des gesticulations et à des fanfaronnades qui masquent à peine leur impuissance. C'est aussi le cas de ceux d'entre eux qui ont appelé à ne pas aller voter, notamment le CAR, qui a poussé son opportunisme à l'extrême en participant néanmoins à l'organisation du scrutin. Pour pouvoir voir et vérifier, disent-ils pour se justifier. Mais en réalité la vraie raison de leur présence à un nom; elle s'appelle indemnités. Voilà tout ce qui motivait le CAR ! Comment un parti avec de telle pratique peut-il prétendre porter des valeurs démocratiques ?
L'opposition dite démocratique est aussi dans l'impasse parce qu'elle a fait le tour de toutes les conciliations, de tous les accords possibles sous les appellations les plus diverses, et elle ne peut pas expliquer pourquoi rien ne change, et surtout elle ne sait plus quoi d'autre proposer. Peut-être le pouvoir va-t-il lui tendre une main secourable avec une énième négociation sur les réformes ? Ce n'est pas si sûr, Il y a aussi les perspectives d'élections locales, régionales et sénatoriales. Mais tout cela se heurte de plus en plus à l'incrédulité.
Que faire ? Les solutions des démocrates.
Cette impasse dans laquelle se trouve l'opposition dite démocratique ne touche aucunement les démocrates. Parce qu'ils ne se déterminent pas par rapport aux échéances électorales qu'ils considèrent actuellement comme un non événement. Nous sommes déjà à l'œuvre, avec nos analyses et nos propositions. La situation actuelle, qui nous conforte dans nos analyses et nos points de vue, nous encourage à aller de l'avant avec enthousiasme, en portant une attention particulière aux déçus de l'opposition dite démocratique. A leur intention, avant de voir ce qu'il convient de faire maintenant, nous allons commencer par expliquer qui nous sommes en tant que démocrates, en quoi les démocrates n'ont rien à voir avec l'opposition dite démocratique, et pourquoi ils tiennent à s'en démarquer.
Pourquoi tenons-nous donc au terme de démocrates ?
Pourquoi voulons-nous et devons-nous marquer la différence avec l'opposition ? Après tout ne sommes- nous pas censés nous «opposer» tous au pouvoir en place ? La réponse est évidente: le contraire du mot dictature (autocratique, oligarchique et fasciste) ce n'est pas le mot «opposition», c'est bien le mot démocratie. Ces deux mots sont antagoniques et recouvrent des réalités également antagoniques, c'est-à-dire des réalités qui s'éliminent l'une l'autre. Comme nous l'avons vu, l'opposition ne fait que s'opposer, et pour des raisons les plus diverses: des motifs personnels, des rivalités d'intérêts par exemple...
Les démocrates, rien que par leur nom annoncent d'emblée la couleur: leur raison d'être et leur objectif c'est d'éliminer la dictature, ce qui exclut tout compromis avec celle-ci; et leur motif unique, c'est la démocratie.
Les démocrates sont ceux qui affirment:
•que l'instauration de la démocratie passe par le démantèlement du régime dictatorial.
•qu'elle exclut toute idée de négociation et de conciliation de démocratie par les urnes.
•Qu’elle ne peut être que l'œuvre de la lutte du peuple lui-même organisé et mobilisé.
C'est ce point de vue que défendent tous les démocrates, individuellement comme collectivement, et c'est ce qui les guident dans leur conduite.
Tout cela n'a rien à voir ni avec ce que dit et ce que fait l'opposition dite démocratique. C'est donc en toute logique que nous n'avons pas l'intention de nous présenter comme un courant, même «radical» de celle- ci. Nous n'avons pas du tout l'intention d'en faire partie, et, parce que nous n'avons rien de commun ni avec ses positions ni avec ses pratiques, ni avec ses organisations ni avec ses leaders et nous n'avons pas l'intention de nous en réclamer pour répondre au besoin de clarté, pour affirmer notre refus de tout compromis, non seulement, avec la dictature, mais aussi avec l'opposition dite démocratique elle-même.
Ainsi le Comité Togolais pour la Culture et la Liberté -CTCL- écrivait en 1995 dans TOGO INFOS, son organe d'information: Le Peuple et «l'opposition démocratique» n'ont ni les mêmes intérêts, ni les mêmes objectifs. Nous pouvons aussi dans le même sens rappeler cet article de L'EXILÉ, intitulé «De la nécessité incontournable de combattre les faux démocrates de l'opposition».
Les positions des démocrates ont pour conséquence des pratiques qui n'ont rien à voir avec celles des faux démocrates. Ainsi, contrairement aux faux amis du peuple de l'opposition dite démocratique, les démocrates ont toujours affirmé que la liberté et la démocratie ne se négocient pas. C'est une question de principe et de logique: en effet, négocier c'est accepter de faire des concessions réciproques. Or, peut-on concéder une partie de la démocratie, de la liberté ? C'est tout simplement inconcevable. Par ailleurs, c'est une question déjà tranchée par l'Histoire.
En effet, on n'a jamais vu une dictature accorder d'elle même la liberté, se transformer en démocratie, on n'a jamais vu un dictateur quitter de lui-même le pouvoir. Il faut l'y contraindre et cela passe nécessairement par la lutte, et seule la lutte paye. Pour les démocrates, la démocratie par la conciliation, le dialogue, la négociation et par les urnes est une immense duperie.
Ils ont toujours marqué leur distance à l'égard de toutes les tractations, négociations que l'opposition n'a cessé de mener avec la dictature depuis les négociations FAR- gouvernement de mars 1991. Parce que la négociation, le dialogue ont pour effet de susciter des espoirs illusoires, et par là même d'entraver la volonté et l'esprit
de lutte et donc de retarder celle-ci; de ce fait, ils constituent un répit pour la dictature tout en lui offrant à bon compte l'occasion de se présenter à l'extérieur comme «ouvert au dialogue et la démocratie».
Les démocrates se sont toujours démarqués des illusions électoralistes et ont toujours combattu comme illusoire l'idée d'un changement démocratique par les élections, en expliquant non seulement qu'un dictateur n'organise pas des élections pour les perdre, ce que la vie vient d'ailleurs confirmer encore une fois chez nous, mais aussi que le démantèlement de l'appareil d'oppression dictatorial ne peut se faire par la seule force du bulletin de vote. C'est pour cette raison que les démocrates ont toujours appelé à boycotter les mascarades électorales celle du 25 avril comme les autres.
Pour les démocrates, la solution passe nécessairement par la lutte populaire. Nous entendons par là, la lutte du peuple organisé et mobilisé, et non un coup d’État qui ne résout rien. La tâche qui incombe aux démocrates, c'est donc de travailler à la prise de conscience, à l'organisation et à la mobilisation du peuple. C'est ce qu'ils ne cessent de faire, et leurs diverses publications peuvent en témoigner. Certes, on peut être vaincu dans la lutte, mais on a aussi des chances de gagner; mais sans la lutte on n'a aucune chance.
On entend souvent dire à propos des démocrates, qu'ils n'ont pas de projet de société, et ne font que critiquer; voire insulter les genset; qu'ils risquent d'être éternellement isolés à cause de leur sectarisme. A vrai dire, les démocrates et leurs organisations ont déjà répondu à ce genre de question. Comme certains nous
découvrent apparemment pour la première fois, nous allons donc reprendre brièvement ces réponses.
•Sur le premier point, à savoir l'absence de projet de société, nous dirons que tout ce que nous venons d'exposer à propos de notre ligne politique démontre le contraire; les démocrates ont bel et bien un projet de société: c'est celui d'une société démocratique et libre, c'est-à-dire débarrassée de toute domination, Il suffit de se donner la peine de nous lire. A l'inverse, nous ne sommes pas certains que ceux qui posent ce genre de question, et dont les sympathies pour la plupart d'entre eux, vont à l'opposition dite démocratique, soient capables d'expliquer ce qui différencie le projet de société du CAR, de celui de l'ANC par exemple, ou même du RPT/UNIR, et de l'UFC.
•Le deuxième point concerne la critique, une activité que l'on reproche souvent aux démocrates. On nous reproche en effet de ne faire que cela, ce qui est d'ailleurs faux, comme nous venons de le montrer à propos du projet de société. Nous notons que les auteurs de ce genre de remarques ne prennent pas la peine de démontrer, avec des arguments que nos critiques ne sont pas fondées: cela aurait pu donner lieu à de fructueux débats. C'est le fait même d'émettre des critiques à l'égard de leurs leaders qui les gènes, et c'est justement cette attitude qui nous amène à nous interroger à leur sujet et à nous demander ce qu'ils feraient des libertés
démocratiques, si ces leaders parvenaient au pouvoir.
•Car ne l'oublions pas, la critique, c'est l'exercice d'un droit démocratique fondamental: la liberté d'opinion, la liberté d'expression. L'esprit critique c'est une disposition de l'esprit qui consiste à ne pas accepter des vérités toutes faites, sous prétexte par exemple qu'elles viennent de telle ou telle personnalité; à n'accepter une vérité comme telle qu'après l'avoir soumise à l'analyse et au jugement. L'esprit critique est donc un esprit démocratique par excellence, car le propre de la démocratie c'est qu'il n'y a pas de sujet tabou, ni de personnalité intouchable. Tout peut être critiqué, et la seule réponse face à une critique, c'est de prouver par des arguments qu'elle n'est pas fondée. C'est ainsi que l'échange d'arguments alimente la vie démocratique. Sans l'esprit critique, c'est le suivisme le plus plat, et le recul de la démocratie.
•Nous précisons que la critique n'a rien à voir avec l'esprit de critique. L'esprit de critique c'est la tendance à vouloir tout critiquer sans raison, donc à voir tout en mal. C'est cette tendance que certains veulent nous imputer, lorsque nous fustigeons les leaders de l'opposition dite démocratique. Mais tout cela est faux. En effet, les démocrates ne font pas des critiques pour la simple raison que c'est leur droit; ils le font parce que c'est aussi leur devoir. Prenons donc l'exemple d'un compatriote qui voit qu'un individu est en train de conduire son meilleur ami sur un
chemin dont il sait bien qu'il conduit vers de grands dangers, voire vers la mort. Doit-il laisser faire pour déplorer après coup la mort de son ami ? Ce n'est certainement pas la meilleure façon de prouver son amitié. Nous pensons que le devoir d'amitié pour ce compatriote, doit plutôt consister à expliquer à son ami le danger que représente cet individu, et lui permettre ainsi d'éviter le danger.
Les démocrates ne procèdent pas autrement. Ils considèrent à juste titre que c'est un devoir, une obligation pour eux de démasquer les leaders de l'opposition dite démocratique devant le peuple, d'éclairer ce dernier sur leur nature de faux démocrates et de lui montrer qu'il est dans son intérêt de se détourner d'eux et des solutions qu'ils lui proposent. Ils le font parce qu'ils ont pris le soin de réfléchir sérieusement sur la question et qu'ils continuent d'ailleurs de le faire, non pas du point de vue de leur intérêts égoïstes, mais du point de vue des intérêts du peuple et de sa lutte pour la démocratie. D'ailleurs nous avons déjà exposé plus haut les critères qui nous servent de normes pour développer nos critiques. Il s'agit, rappelons-le:
•De la position politique. •De la pratique politique.
Ainsi que nous l'avons souligné, c'est ce qui explique pourquoi la vie a toujours vérifié la justesse de leurs critiques. Notre tâche est donc de faire assimiler ces critères au peuple et c'est ce qui donnera à celui-ci les capacités nécessaires pour juger de lui-même les
leaders et les organisations politiques. Nous appelons cela apprendre au peuple à distinguer ses amis de ses ennemis et de ses faux amis. C'est un travail fondamental pour les démocrates.
C'est donc à partir de ces critères que nous nous permettons de traiter des leaders de l'opposition dite démocratique de faux démocrates et de faux amis du peuple. Il ne s'agit donc pas d'une insulte, contrairement à ce qu'on entend ici et là, mais d'une appréciation politique fondée sur des positions et sur des faits.
•Prenons le cas d'un Edem KODJO qui déclare dès 1990 que le régime Eyadema n'est ni entièrement bon, ni entièrement mauvais. Voilà une personnalité qui, non seulement, a un lourd passé de participation au régime EYDEMA, mais qui prétend que le régime EYADEMA n'est pas entièrement mauvais. Les démocrates l'ont dénoncé comme faux démocrate et faux amis du peuple dès qu'il s'est manifesté sur la scène politique comme un opposant. Est-il juste qu'ils aient agi de cette manière ? Certainement: et ils n'ont fait que leur devoir, qui est de prévenir le peuple contre lui. Exactement comme on prévient un ami contre un individu qui risque de l'amener à sa perte.
•On peut aussi prendre l'exemple d'un AGBOYIBO, le fondateur du CAR un parti politique qui d'après ses proclamations, est censé lutter pour la démocratie, voire pour les déshérités, mais qui s'est proposé de servir les intérêts de la France. Alors que nous savons bien que les intérêts de
l'impérialisme français sont incompatibles avec la démocratie. Les démocrates avaient donc le devoir de le désigner comme faux démocrate pour que le peuple ne se fasse pas des illusions à son égard, et c'est ce qu'ils ont fait. Ce qualificatif vaut pour d'autres leaders, et il n'est pas nécessaire de multiplier les exemples.
Mais il faut préciser que ces critiques ne signifient nullement que nous nions la nécessité de leaders politiques. Nous savons bien que le peuple a besoin de dirigeants. Ce sont les leaders de l'opposition dite démocratique que nous critiquons comme faux démocrates et faux amis du peuple. Et comme nous l'avons déjà dit, quand le peuple aura assimilé les critères d'appréciations, il saura qui accepter comme dirigeant et qui rejeter. En attendant, le devoir des démocrates est de les éclairer, et c'est ce que nous faisons. Nous y reviendrons d'ailleurs.
Examinons cette autre remarque que nous entendons souvent à propos de notre prétendu isolement.
En effet, d'après certains compatriotes, nous risquerions de rester isolés «à force de critiquer tout le monde», disent-ils... Nous pensons avoir déjà dit plus haut l'essentiel sur l'importance de la critique pour la démocratie et combien c'est un devoir pour les démocrates. C'est ce qui permet de voir clair, de ne pas laisser le peuple sous l'emprise d'idée fausses préjudiciables à son intérêts et à la démocratie.
La fin de la critique, c'est la mort du mouvement démocratique. Et nous le répétons également, nous ne voyons aucun inconvénient à ce qu'on nous fasse des critiques. Mais de vraies critiques, c'est-à-dire argumentées, qui permettent de répondre de façon également argumentée. Les arguments du genre «vous ne faites que critiquer»: ne sont qu'une manifestation de dépit, elles ne servent à rien et surtout à la démocratie. Voyons maintenant ce qu'il en est de notre isolément.
Nous le répétons, et le répétons, nous ne critiquons pas tout le monde, contrairement à ce qu'on entend parfois. Ainsi, même quand nous critiquons l’UFC, le CAR, CAP 2015 et autres, c'est d'abord et avant tout aux dirigeants que nous nous en prenons, et pas du tout aux adhérents de base. Parce que nous estimons que ceux- ci sont de bonne foi, et qu'ils ont été trompés, contrairement aux chefs qui sont eux les trompeurs, et parce que nous estimons de notre devoir est de leur démontrer et d'œuvrer ainsi à faire progresser leur conscience politique démocratique. Travailler à faire progresser la conscience démocratique du peuple, c'est amener le peuple, par nos explications et par la pratique, à se faire l'idée selon laquelle :
la démocratie ne peut s'instaurer que sur les ruines de la dictature; Cela suppose la destruction préalable du système dictatorial et de ses connexions extérieures. La démocratie ne saurait donc résulter ni de négociations ni d'un compromis avec la dictature.
•Ce ne sont pas les institutions qui créent la démocratie, c'est la démocratie victorieuse qui seule est à même de se doter d'institutions démocratiques et aussi de les faire appliquer réellement.
•Qu'il est plus que jamais nécessaire de se démarquer des partisans de la démocratie par la conciliation et par les urnes dont les déclarations et les pratiques politiques contribuent à semer des illusions et à freiner la mobilisation populaire.
•Que son intérêt majeur, aujourd'hui, c'est dans son organisation et sa mobilisation pour la lutte, et non dans des dialogues et concertations avec la dictature, ni dans des «réformes constitutionnelles et institutionnelles», ni dans des préoccupations
électorales, ni dans la «communauté internationales».
C'est l'ensemble de ces tâches d'éveil des consciences qui constituent ce que nous avons défini plus haut comme notre ligne politique, c'est dans ce sens que travaillent les démocrates. Mais il existe une réalité incontournable: c'est que la prise de conscience ne se fait pas du jour au lendemain; elle demande du temps, et cela s'explique aisément: il ne suffit pas en effet, qu'une idée soit juste pour en convaincre le peuple; il faut que le peuple vérifie lui-même par l'épreuve, par sa propre expérience, qu'elle est réellement juste et c'est alors seulement qu'elle peut en faire sienne. Cela est bien normal.
Prenons le cas de ces compatriotes qui souhaitent en finir s avec la dictature et qui sont même descendus dans la rue pour cela. Mais voilà que des gens «importants», réputés prestigieux (grands diplômés, professeurs, grands avocats, anciens premiers ministres) viennent leur expliquer qu'eux ont la capacité de négocier la fin de la dictature, et qu'on peut leur faire confiance; c'est tout à fait normal que beaucoup se laissent impressionner et convaincre, et que les quelques voix qui essaient de les mettre en garde restent momentanément peu écoutées. A la première confrontation à la réalité, certains de ces compatriotes sont capables de comprendre que cette voie est erronée et de faire machine arrière, d'autres ont encore besoin de beaucoup d'épreuves pour s'en rendre compte.
La prise de conscience est inégale; c'est une question de longue haleine, et qui demande du temps. Les démocrates en sont bien conscients, comme ils savent que la patience est l'une des qualités dont ils doivent faire preuve. Si l' on pose la question de notre isolement sous l'angle de nos rapports avec les faux démocrates de l'opposition dite démocratique, nous disons donc que nous nous satisfons de cette situation, et que c'est ce qui pouvait nous arriver de mieux, car nous n'avons surtout pas l'intention de nous rapprocher d'eux. Notre préoccupation majeure, c'est le progrès de la conscience démocratique au sein du peuple. Et nous pouvons dire qu'il y a des signes encourageants à ce sujet.
Le premier de ces signes, c'est que les chefs de cette opposition sont de plus en plus l'objet d'interpellations et de questionnements de la part de leurs bases, qui n'hésitent plus à leur faire part de leur déception, voire carrément à les mettre en cause.
Un autre signe fort révélateur, c'est l'écho qui nous parvient des mouvements de grève, qui se sont développés ces derniers temps au pays: grève des travailleurs, grève dans la jeunesse, avec parfois des cris de «FAURE démission!», comme en 1990-1991. Sans doute ces mouvements sont-ils encore limités, mais ils montrent bien que le peuple est en train de renouer avec la lutte, ce qui est de bon augure pour la démocratie et pour l'avenir. D'ailleurs nous le savons bien, ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières.
Enfin, un troisième signe qui ne trompe pas, nous le voyons dans les multiples contacts que nos compatriotes de la diaspora prennent avec nous. Ces approches, en nette progression, sont de qualités diverses, car elles dépendent de convictions qui ne sont pas au même niveau: elles peuvent être simplement superficielles et temporaires, chez ceux qui, bien qu'ébranlés par la situation, n'arrivent pas à se convaincre définitivement que ces dirigeants de l'opposition pour lesquels ils ont un si grand respect aient pu les tromper, mais parfois elles sont déjà profondes et aboutissent à des adhésions durables. Mais nous pouvons dire que de façon générale, les démocrates ont des raisons d'être optimistes. C'est donc avec optimisme que nous allons aborder la question de «que
faire ?».
De quelques interrogations et de leurs solutions.
Pour aborder cette question, nous devons commencer par tenir compte de ceux qui viennent seulement de se rendre compte de l'impasse où les ont entraînés les faux démocrates et qui se demandent eux aussi ce qu'il faut faire «maintenant», Ils sont actuellement dans une confusion extrême, mais à la différence de leurs chefs, eux sont de bonne foi. Nous devons donc aller au devant de leur attente et de leurs interrogations. Même si les questions qu'ils se posent ont déjà leurs réponses chez les démocrates, il n'est pas sans intérêt de les reprendre à l’intention de ces compatriotes. Et donc de les rappeler ici.
La question des leaders.
•Est-ce un nouveau leader qu'il nous faut ? En effet, certains de nos compatriotes qui s'interrogent actuellement continuent de voir la situation comme une question de leader. S'ils éprouvent de la déception à l'égard d'un Jean-Pierre FABRE et consorts, leur principale préoccupation, c'est néanmoins de trouver un autre leader «capable», et susceptible de les conduire. Certains en sont même venus à imaginer un Glichrist OLYMPIO de retour dans les rangs de l'opposition; tant ils se sentent orphelins, en manque de leaders. Nous ferons remarquer que rien ne garantit d'emblée qu'un autre leader fera mieux à la place de ceux de maintenant comme Jean-Pierre FABRE et consorts. C'est pourquoi nous pensons que la meilleure façon pour ces
compatriotes d'aborder la question aujourd'hui, c'est de commencer par faire le bilan de ce soutien qu'ils ont apporté à ces chefs de l'opposition pendant tant d'années, depuis AGBOYIBO et le FAR en 1991, jusqu'à Jean-Pierre FABRE et consorts aujourd'hui, en passant par Edem KODJO, KOFFIGOH, GNININVI, Gilchrist OLYMPIO.
Le constat est sans appel: après tant des tractations, négociations, accords... menés par ces derniers, le régime est toujours debout. Seuls, les chefs eux-mêmes ont pu profiter de l'occasion pour obtenir ici et là des avantages notamment des postes de ministres, de premiers ministres, des sièges de député. Le peuple lui n'y a rien gagné. Bref, le bilan est hautement négatif.
Alors n'est-il pas temps de penser les choses autrement ?
Il faut d'ailleurs noter que cette recherche angoissée d'un leader pour se mettre sous sa direction, n'a pas toujours caractérisé la vie politique dans notre pays. Pendant la lutte anticolonialiste, la division politique qui existait séparait d'abord des anti-colonialistes et les pro- colonialistes. On ne parlait pas du tout alors de pro OLYMPIO ni d'anti-OLYMPIO, ni de pro-Grunitzky, et d'anti-Grunitzky, parce que c'était la ligne politique qui l'emportait, et que ces leaders en étaient d'abord et avant tout les porte-paroles. On n'adhérait pas à un parti parce qu'on préférait tel leader à tel autre, mais parce qu'on partageait la vision de ce parti. C'est ainsi que dans le camp nationaliste, le slogan courant n'a jamais exalté un quelconque leader. On n'a jamais entendu des slogans du genre «Vive OLYMPIO!», mais plutôt
simplement «ABLODE». Preuve s'il en est, que c'était la cause qui était mise en avant, que tous avaient conscience que c'était elle qui l'emportait, qu'elle était supérieure aux individus, mais aussi que les individus étaient capables de se subordonner à la cause, et de se laisser transcender par celle-ci.
Dans le même sens, nous noterons le nombre très restreint des partis politiques à cette époque. Cela s'explique. En effet, le premier geste d'un compatriote partisan de l'indépendance, ce n'était pas de créer son propre parti, mais plutôt de rejoindre les partis nationalistes existant, pour contribuer au renforcement du camp d'ABLODE. Et s'il y avait deux partis nationalistes, ce n'était pas du tout pour une question de leaders; c'est parce qu'il y avait deux courants politiques dans le camp anti-colonialiste: un courant nationaliste (le CUT), et un courant à tendance anti- impérialiste (la JUVENTO).
Aujourd'hui, ce ne sont pas les confrontations d'idées, de programmes, qui marquent la scène politique; ce sont les chefs et leurs diverses manifestations, démarches, négociations, accords déclarations. L'idée que toute solution passe par eux s'est imposée à bien des compatriotes.
Mais comment en est-on arrivé à une telle situation ?
Si l'on remonte un plus loin dans notre histoire, on peut relever que les premiers signes sont déjà apparus sous le régime OLYMPIO, lorsqu’on commencé à circuler des commentaires du genre «le chef sait lui-même ce qu'il fait». Mais c'est le régime Eyadema qui a donné toute
son ampleur à cette évolution. En effet, c'est sous le régime EYADEMA qu'a été imposée, par la répression, la mystification, le mensonge la corruption et l'achat des consciences, l'idée d'un guide omnipotent, omniscient, père de la nation, premier en tout... Sous ce régime, l'affirmation de son attachement au «Guide suprême», au «Timonier», l'organisation et la participation à des «marches de soutien» tenaient lieu de militantisme. La formation politique, se réduisait à l'apprentissage de slogans et de la danse, de l'Animation, toujours en honneur du «Guide». Et tout cela se déroulait dans une ambiance qui ne tolérait pas la moindre critique, qui ne voulait entendre qu'un seul son de cloche, celui du RPT, où les seules voix différentes venaient de ceux qui avaient dû s'exiler. Des centaines de milliers de nos compatriotes ont été ainsi pratiquement formatés dans cette ambiance, et il en est resté des traces et des réflexes...
Or, le fait est que de nombreux fondateurs et dirigeants des partis de l'opposition dite démocratique, sont d'anciens cadres, même d'anciens cadres dirigeants du régime RPTiste. Un régime où le zèle pour assurer sa promotion personnelle et assouvir son ambition personnelle, était largement cultivé. Par la suite, ils se sont déclarés «opposants», mais ils n'ont rien perdu quant à leur ambition personnelle.
D'un autre côté, des habitudes et des pratiques malsaines de ce régime, et notamment la culture du chef et du guide, ont laissé des traces dans l'esprit populaire et ne pouvaient pas s'effacer du jour au lendemain. C'est ainsi que de nombreux compatriotes ont encore tendance à rechercher la solution à nos
problèmes à travers un chef, un guide, en espérant à chaque fois que ce soit le bon. Et c'est ainsi qu'ils vont de déception en déception... C'est avec cette habitude qu'il faut rompre. Il faut amener nos compatriotes à être en capacité de juger une position politique par rapport à elle-même à travers des critères politiques déterminés, et non pas par parce qu'elle vient de tel ou tel personnage si prestigieux soit-il sur la scène politique. C'est ce que nous essayons de faire par notre propre pratique.
C'est la raison pour laquelle, les démocrates s'efforcent de faire connaître au maximum, notamment à travers leurs diverses publications, la ligne politique démocratique, c'est-à-dire de faire comprendre ce qu'est réellement la démocratie, et ce qu'est la lutte pour la démocratie. Ce faisant nous mettons à la portée de nos compatriotes les critères politiques qui doivent leur servir dans leur jugement; c'est aussi pour cette raison que les démocrates évitent de personnaliser leurs positions. Ainsi on ne voit pas chez nous à l'heure actuelle des communiqués, des déclarations signés d'une personne, d'un individu: c'est seulement au nom d'une organisation. Pourquoi? Parce que pour les démocrates, ce sont les positions qu'il importe pour le moment de faire connaître et non des individus, et aussi parce que leur souci est de faire comprendre que ces positions sont le fruit d'une élaboration collective.
L'objectif des démocrates, et ils ne s'en cachent pas, c'est que nous puissions parvenir ensemble à l'émergence d'un vaste mouvement populaire et démocratique. Et nous savons très bien qu'un tel mouvement est d'autant plus solide et plus fort qu'il sera
effectivement bâti autour d'un projet démocratique clairement défini, et non autour de l'ambition personnel d'un ou de quelques personnalités, comme c'est le cas des diverses alliances, coalitions, coordinations que tentent les faux démocrates et qui ont des difficultés à perdurer: elles sont toujours éphémères et peinent à perdurer parce qu'elles sont liées au projet personnel des dirigeants; elles se disloquent dès lors que ces dirigeants n'y trouvent plus leur compte.
Un vaste et puissant mouvement démocratique, c'est -à-dire organisé et mobilisé sur une ligne politique démocratique claire, c'est de cela que le peuple a d'abord besoin aujourd'hui, car c'est ce qui doit lui permette non seulement d'y voir clair, mais aussi de disposer de son arme de résistance et de lutte face à la dictature. C'est à cela que nous devons travailler au premier chef.
Mais cela ne signifie pas pour autant qu'il puisse se passer de dirigeants et qu'il n'ait pas besoin de leaders. Mais ce seront des dirigeants qui vont émerger comme produits du mouvement démocratique au sein duquel ils auront fait la preuve de leur capacité, de leurs qualités. A coup sûr, ce ne seront pas des dirigeants autoproclamés, pressés de se servir du peuple pour négocier des avantages personnels au détriment de la lutte. Issus du mouvement démocratique, ils auront à cœur de respecter la volonté populaire, de conduire la lutte jusqu'à la victoire de la démocratie.
Nous dirons donc en conclusion, que la question de leader n'est pas la question la plus pressante aujourd'hui. Le plus important, c'est d'abord de nous
regrouper, de nous organiser, de nous instruire pour apprendre à lutter ensemble. La question des dirigeants trouvera sa solution au fur et à mesure des avancées de notre organisation, de notre mobilisation et de nos luttes. Nous terminerons ce sujet, par quelques remarques et observations qui nous reviennent souvent.
A propos du prétendu anonymat de nos prises de positions.
Pour certains, nos prises de positions, du fait qu'elles ne sont pas signées d'un auteur, sont anonymes et donc risquent de ne pas avoir suffisamment de poids; d'autres se demandent si des espions, des agents du pouvoir ne pourraient pas reprendre les mêmes positions pour cacher leur jeu.
Cette remarque concernant l'anonymat de nos prises de positions, vient souvent de ceux qui continuent à rechercher la solution à travers un chef. Nous avons déjà répondu à cette observation. En effet nos prises de position ne sont pas anonymes, du fait qu'elles se font toujours au nom d'une organisation. Par là, nous affirmons leur caractère collectif, car nous sommes convaincus que c'est collectivement que nous pouvons nous libérer de la dictature et de l'oppression. Concernant le risque d'espionnage, nous disons que cela ne nous gêne pas du tout, et que cela ne devrait gêner personne. En effet, notre souhait à tous les démocrates, c'est que les idées démocratiques se répandent, peu importe de quelle manière. Alors si un espion veut s'en charger pour pouvoir se dissimuler, pourquoi pas? Et d'ailleurs qu’est-ce qu'il pourrait espionner ?
Sur les réformes constitutionnelles et institutionnelles. (De nouvelles négociations.)
Il est fort affligeant de constater qu'après tant d'expériences malheureuses, certains compatriotes en soient encore à considérer, comme objet de revendications démocratique, le respect et l'application par le pouvoir des multiples accords signés avec l'opposition (22 engagements, Accord cadre de Lomé, Accord politique global pour ne citer que ceux-là...). Il est dommage qu'ils ne se rendent pas compte que c'est du temps perdu, et qu'ils ne servent qu'à légitimer le pouvoir, et pour les faux démocrates, à se mettre en valeur. Comment peut-on croire un instant qu'un dictateur accepte d'appliquer des accords qui le priveraient du pouvoir dont il profite ? Il en est de même des réformes constitutionnelles et institutionnelles. Nous nous contenterons donc de rappeler la position des démocrates à ce sujet:
•La constitution la plus démocratique reste un chiffon de papier tant qu'il n'existe pas un rapport de forces favorable à son application, c'est-à-dire tant que les forces démocratiques ne l'ont pas emporté sur les forces anti-démocratiques; ce n'est pas la constitution démocratique qui crée la démocratie, c'est la démocratie conquise qui peut se donner une constitution démocratique. Il faut donc commencer par conquérir la démocratie par la lutte pour pouvoir se donner une constitution démocratique.
•Par conséquent focaliser l'attention sur les réformes constitutionnelles, organiser des marches à ce sujet, c'est de détourner l'attention de la vraie exigence de l'heure: l’organisation, la mobilisation et la lutte pour en finir avec la dictature.
•Pour les mêmes raisons, nous ne nous sentons pas concernés par la revendication au sujet du retour à la constitution de septembre 1992. La voie la plus sûre pour empêcher le tripatouillage de la constitution c'était de faire partir le dictateur. Le peuple burkinabé vient de le démontrer. Laisser faire pour organiser des marches de revendications une fois que c'est fait, ce n'est pas œuvrer dans l'intérêt de la démocratie. De toute façon, les démocrates avaient appelé à boycotter le référendum relatif à la constitution de 1992. Il n'est donc pas question de soutenir cette constitution aujourd'hui, pas plus que nous ne l'avons soutenue hier.
Sur la question de l'alternance.
Nous savons que cette revendication sur les réformes constitutionnelles et institutionnelles, concerne surtout la question du nombre des mandats présidentiels, la question du retour à l'élection présidentielle à deux tours, et en définitive la question de l'alternance.
Pour les démocrates, la revendication de l'alternance aujourd'hui, n'est pas une revendication démocratique. En effet, l’alternance c'est simplement la succession répétée et régulière au pouvoir. Comme le montrent les pays souvent cités comme des modèles, l'alternance n'implique pas de changements profonds. Les différents partis ou groupes de partis se succèdent donc régulièrement les uns aux autres, se contentant d'apporter quelques nuances qui ne changent rien quant au fond. Or justement les démocrates n'ont pas l’intention d'«alterner» avec le pouvoir dictatorial.
Leur objectif, c'est l'instauration de la démocratie, ce qui passe nécessairement par la destruction de la dictature. Il ne peut donc pas être question d'alternance, mais d'une véritable alternative. La question de l'alternance peut bien se poser une fois que la dictature est à terre, mais pas avant. Ceux qui mettent en avant la revendication de l'alternance, alors que la dictature est encore debout, sont ceux qui pensent simplement que c'est à leur tour de gouverner eux aussi. L'alternance aujourd'hui, ce n'est qu'une façon de dire «chacun son tour». Cela n'a rien à voir avec le changement démocratique.
Sur la question de l'armée.
Dès lors que l'instauration de la vraie démocratie passe par le démantèlement total du système dictatorial, on ne peut pas ne pas aborder la question de l'armée, le pilier par excellence du régime. Les démocrates l'ont déjà fait et leur position à cet égard est bien connue. Néanmoins, certains développements actuels sur le recrutement et la composition quasi mono-ethniques de l'armée, même s'il s'agit d'une réalité, risquent d'embrouiller les esprits à propos de cette question et plus généralement sur la nature, le rôle et la place de l'armée. Nous allons donc saisir l'occasion pour réaffirmer clairement notre position à cet égard.
Godwin TETE, idéologue des faux démocrates, bien connu, a abordé la question, au cours d'un débat auquel il a, le 13 juin 2015, sur la radio (Kanal K) basée en Suisse, et dont il a fait un compte rendu sur la Toile le 19 juin 2015. Interrogé sur le caractère quasi-mono- ethnique de l'armée et sur la responsabilité de celle-ci dans le maintien du pouvoir, il se dit «obligé de répondre par l'affirmative».
A la question de savoir si cela n'est pas dû au peu d'attirance des «Sudistes» pour l'armée, selon le dicton «un enfant du pays ne garde pas les vaches», il commence par faire remarquer que les gens du Sud n'ont pas toujours fait preuve de dédain à l'égard de la chose militaire; qu'ils ont eux aussi une tradition guerrière, que de nombreux Guin et Ewé ont participé à la seconde guerre mondiale, qu'ils sont nombreux dans l'armée ghanéenne et y occupent même des postes
élevés. Il conclut que cette explication par le peu de goût des gens du Sud pour l'armée n'est en fait qu'un alibi, que rien n’interdit aux «Sudistes» de devenir policiers, gendarmes, militaires.
Mais, il termine par l'interrogation suivante; est-ce une raison pour assassiner des officiers biologiquement sudistes ? Et pour illustrer son propos, il cite le nom de quelques officiers «biologiquement sudistes» assassinés: Kofi KONGO, OSSEYI et COMLAN etc. Nous pensons que cette interrogation résume le fond de sa pensée, et que cette pensée reste profondément marquée par le régionalisme et l'ethnicisme, quoi que puisse dire son auteur. En effet, à aucun moment, il n'a été précisé que ces officiers auraient été assassinés comme combattants de la démocratie au sein de l'armée. C'est cette question qui devrait préoccuper au premier chef un démocrate digne de ce nom, et nous constatons que ce n'est pas une question qui préoccupe TETE Godwin. A moins de supposer que ces officiers «biologiquement sudistes» seraient par nature démocrates, ce qui serait le comble d'une pensée régionaliste et ethniciste. Nous savons qu'il y a des compatriotes qui ramènent la question de l'armée à une question de «rééquilibrage ethnique et régional», et parlent encore du «pouvoir du nord» du fait que l'armée est au centre du pouvoir.
Sur cette question, il nous faut dire quelques mots.
Il faut effet, rappeler ce fait incontestable: même au plus fort de la dictature de Eyadema, le régime ne reposait pas seulement sur l'armée, malgré l'importance de celle-ci comme pilier principal du régime. L'histoire montre en effet que pour durer, une dictature ne se sert
pas uniquement de la répression, qu'elle a besoin d 'une certaine adhésion, consentie ou non du peuple, et qu' elle recourt pour cela à la persuasion, à la propagande, à la mystification, bref à l'arme de l'idéologie.
Chez nous, cette arme idéologique a été servie à haute dose comme nous le savons avec l'Animation, les festivals, les slogans mensongers, la stérilisation de la pensée, la déification de l'autocrate. C'est une arme qui littéralement tue l'esprit, comme le fusil, la mitraillette ou le couteau tuent le corps. Elle n'est pas moins dangereuse, et aujourd'hui encore nous continuons à subir les conséquences morales de ce poison idéologique.
Face à cette situation, on pourrait être tenté de focaliser l'attention sur le rôle majeur joué par les cadres «sudistes», dans le maniement de cette arme idéologique, à l'instar d'un MIVEDOR, d'un Edem KODJO; d'un Kunale EKLO, d'un LACLE, et consorts. Et pour tirer quelle conclusion ? Que les «Sudistes» seraient «opportunistes»? Pas plus que pour l'armée, les démocrates n'utiliseront jamais cette grille de lecture régionaliste et ethniciste. En effet les démocrates ont bien compris et ont toujours expliqué :
•que la dictature responsable de l'oppression de notre peuple hier comme aujourd'hui est le fait d'une minorité de compatriotes qui y trouvent leurs intérêts: c'est à dire qu'ils ont la possibilité de faire carrière dans la bureaucratie d’État, notamment dans la haute administration (haut fonctionnaire, préfet) dans la sphère politique (ministre, premier ministre...) dans l'armée,
(grades, promotions...), possibilité de pillage, de vol, de détournement des richesses du pays, et possibilité de faire des affaires en liaison avec les multinationales et le capitalisme international,
•que cette minorité est composée de compatriotes de toutes origines régionales et ethniques,
•que l'instauration de la démocratie passe par l'éviction de cette minorité dans son ensemble, indépendamment de l'origine régionale ou ethnique des uns et des autres.
C'est la conscience de leurs intérêts commun qui unit cette minorité face au peuple. Mais en son propre sein, des oppositions d'intérêts, des contradictions peuvent survenir, et ces contradictions peuvent déboucher sur des affrontements voire des assassinats, qui ne concernent en rien la démocratie. C'est ainsi qu'il faut analyser les tueries dans l'armée.
Ce n'est donc par hasard si nous avons posé la question de savoir si les officiers «biologiquement sudistes» avaient été tués parce qu'ils combattaient pour la démocratie. Car on peut aussi citer des noms d'officiers, de cadres «biologiquement» nordistes, voire kabyé, qui ont été également tués sur ordre de l'autocrate. Nous nous arrêterons sur le cas de Gaston GNEHOU, qui en la matière est fort symptomatique: la victime était le propre beau frère d'Eyadema lui-même. Relégué dans le Nord pour qu'il se tienne tranquille, Gaston GNEHOU était retourné à Lomé de son propre chef: il fut pris en chasse et mitraillé dans la rue par un commando. Mais il n'était que blessé et fut transporté à l'hôpital. C'est là, sur son lit
d'hôpital qu'il fut achevé à la mitraillette. Les tueurs étaient déguisés infirmiers. Ce n'est pas pour rien non plus, que nous avons posé la question de savoirs si les officiers «biologiquement sudistes», étaient par nature des démocrates pour qu'on se focalise sur leur sort au sein d'une armée vouée à l'oppression du peuple.
A ce sujet en effet, nous avons un cas fort édifiant qui peut servir d'exemple. C'est celui d'ASSILA. Après l'échec de la manifestation du 21 novembre 1966, manifestation organisée par le CUT dans le but d'acculer le tandem GRUNITZKY-MEATCHI, à la démission, une tournée de bastonnade a sillonné tous le pays, bastonnant à tour de bras ceux qui étaient soupçonnés d'être des partisans du CUT. Le chef de cette tournée punitive, c'était JAMES ASSILA, «biologiquement sudiste».
Pour nous les démocrates, la question de l'armée fait partie de la question générale de la lutte pour la démocratie. Dans la mesure où l'instauration de la démocratie nécessite le démantèlement de tout le système de la dictature, il va sans dire qu'elle passe obligatoirement par le démantèlement de l'armée de la dictature, et son remplacement par une armée nouvelle au service du peuple et de la démocratie. C'est ainsi que se pose la question. On voit d'ailleurs que c'est une question de portée générale, à voir par exemple ce qui se passe actuellement au Burkina Faso. Depuis la chute de l'autocrate COMAPORE; le peuple exige la dissolution du Régiment de sécurité présidentiel (RSP). En effet, c'est sur ce régiment, véritable garde prétorienne, que s'appuyait le pouvoir de l'autocrate.
Nous noterons en passant que nulle part, il n'est question de la composition ethnique de ce régiment, et nulle part il n'est dit que ce régiment recrutait majoritairement dans l'ethnie de COMPAORE. Preuve en est que cette question est secondaire. Ce qui est certain en revanche, c'est que l'esprit de corps a été particulièrement cultivé au sein de cette unité, et c'est ce qui explique cette fidélité et son comportement actuel. C'est donc en toute connaissance de cause que le peuple et les démocrates burkinabés considèrent son existence comme une menace permanente sur le processus démocratique et qu'il exige sa dissolution. Il va sans dire que ce n'est qu'une étape vers la formation d'une armée nouvelle pour instaurer la démocratie.
C'est la même question qui se pose chez nous, et que la peuple Burkinabé a déjà mise à l'ordre du jour, mais que nous devons résoudre nous aussi, pour que la vraie démocratie s'installe. La démocratie n'est pas possible tant que subsistera une armée qui par sa nature, son organisation, ses objectifs; sa pratique dans la société, est une force de répression anti-démocratique et anti populaire. Une telle armée doit être démantelée, comme tous les autres instruments d'oppression, pour que la démocratie s'installe. C'est une tâche qui s'impose aux démocrates. Ceux qui pensent et font croire qu'on peut instaurer la démocratie en s'arrangeant avec les FAT, ou que la question de l'armée se résume à une question d'équilibrage ethnique, se font des illusions et trompent le peuple.
Cette question de l'armée n'est pas une question facile, nous le reconnaissons. Mais elle n'est pas pour autant impossible. A ce sujet nous voulons rappeler un fait survenu au cours de la conférence nationale. Il s'agit de l'intervention forte intéressante d'un militaire, membre des FAT. Ce militaire faisait savoir à l'assistance, qu'un courant démocratique existait et tentait de s'organiser au sein de l'armée, et que ce courant regroupait des soldats originaires de toutes les régions du Togo. Les tenants de l'opposition dite démocratique n'ont pas accordé une grande attention à cette intervention, mais elle n'a pas échappé à 'EYADEMA: qui par la suite a déclenché une vaste opération d'épuration contraignant un grand nombre de militaires à fuir en exil pour échapper à leurs bourreaux.
Incontestablement, l'intervention de ce militaire a apporté la confirmation que les soldats peuvent être eux aussi, à l'instar des autres citoyens, sensibles aux idées démocratiques, et qu'ils sont capables de se rassembler autour de ces idées en mettant de côté les différences ethniques et régionales. C'est ce qui doit en premier lieu retenir l'attention des démocrates, plus que les querelles et tueries entre officiers des FAT. Même si c'est un non événement pour les démocrates, la mascarade électorale nous a fourni l'occasion de faire un rappel des points les plus importants qui définissent la ligne politique des démocrates. Nous précisons encore une fois que tous les démocrates, toutes les organisations démocratiques partagent ces points de vue et s'y reconnaissent. C'est autour de cette ligne qu'ils s'organisent et font leur travail de mobilisation et d'organisation, ce qui est la tâche qui prévaut à l'heure actuelle, où qu'ils se trouvent.
Une question se pose maintenant; quelle est la part des tâches qui revient à nous de façon spécifique, nous qui sommes de la diaspora ?
En abordant cette question, nous pensons d'abord à ceux qui nous reprochent de faire des critiques alors que nous sommes à l'étranger. «Vous n'êtes pas sur le terrain, disent-ils». En réalité ce genre de remarque vient de ceux qui n'ont pas d'arguments sérieux à nous opposer, et qui veulent nous dénier le droit à la critique.
Des personnalités, des organisations ont mené ou même dirigé des luttes dans leur pays sans être pour autant sur le sol national, et l'Histoire fourmille d'exemples à ce sujet. De GAULLE, le chef de la Résistance française pendant la Seconde guerre mondiale, n'était pas en France, mais à Londres; Amilcar CABRAL, dirigeant de la lutte anticoloniale de la Guinée Bissau et du Cap Vert, était en Guinée Conakry; les principaux dirigeants de la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud (Olivier TAMBO, Tambo MBEKI...), ceux qui n'étaient pas en prison, résidaient dans les pays voisins, notamment en Tanzanie.
Mais nous n'avons pas du tout la prétention de nous situer au niveau de ces dirigeants que nous citons en exemples. Notre organisation n'a pas vocation à diriger la lutte du peuple togolais. Mais même de l'extérieur où nous sommes, nous pouvons apporter notre contribution, dans les limites de nos capacités. Le débat politique fait partie de cette contribution car il aide à y voir plus clair pour aller dans la bonne direction.
Lorsqu'un patriote togolais entend un AGBOYIBO déclarer qu'il peut lui aussi servir les intérêts de la France, il n'a pas besoin d'être sur le sol national pour le dénoncer comme un vendu, et pour mettre en garde contre lui. C'est, non seulement un droit, c'est même un devoir de patriote. Mais nous ne pensons pas que notre travail doive se limiter à cela.
La tâche qui nous incombe aujourd'hui à chacun d'entre nous, c'est avant tout de travailler à multiplier, à renforcer et à activer nos organisations de base permanentes. En effet, le nom de ces organisations, les Comité d’Étude, d'Action et de Soutien (CEAS), résume déjà à lui seul notre programme d'activité: étudier, mener des actions, soutenir la lutte du peuple. Évidemment, il peut arriver qu'à une période donnée et selon les exigences du moment, une de ces activités prenne le pas sur les autres. Mais aucune d'elles n'est négligeable.
L'étude est une activité indispensable pour un vrai démocrate. Il faut, en effet, se faire à l'idée que la démocratie et la lutte pour la démocratie c'est quelque chose qui s'apprend, quelque chose qu'on doit étudier si l'on ne veut pas faire le jeu des faux démocrates. Souvent on entend certains compatriotes répéter que «maintenant il faut agir ! Ce n'est pas le moment de perdre du temps à étudier». En général, ce sont des compatriotes qui se laissent justement influencer par l'opposition dite démocratique et par les solutions que ces derniers leur proposent. Ceux là ne prennent pas la peine de réfléchir, d'étudier et de tirer leçon des expériences successives qu'ils ont avec ces faux démocrates. Mais à chaque fois qu'ils «agissent», ainsi, ils
se retrouvent avec de nouvelles négociations qui aboutissent à de nouveaux accords sans lendemain. Ils en sont toujours là.
Sur la nécessité d'étudier, d'apprendre réellement ce qu'est la démocratie, nous ferons une remarque qui nous concerne plus particulièrement. Nous avons souvent remarqué que de nombreux compatriotes au pays sont persuadés que nous qui sommes à l'étranger, en particulier en Europe et aux États-Unis, nous avons plus d'accès aux informations, et que nous avons donc la possibilité de leur apporter beaucoup en matière de démocratie. Mais il leur arrive d'être fort déçus. En effet, certains parmi nous, malgré un séjour parfois fort long à l'étranger, font montre d'une ignorance profonde ; ils n'ont rien appris, et ils racontent n'importe quoi, incapables de répondre à leur attente. Nous devons être conscients de cela pour ne pas décevoir nos compatriotes.
Mais, précisons-le une fois de plus; l'étude dont il est question ici n'a rien à voir avec la formation universitaire. Nous ne sommes pas contre les études universitaires, mais il ne s'agit pas de cela ici, mais de formation politique, qui passe par l'étude personnelle mais aussi collective notamment au sein du CEAS. C'est dans ce but que nous multiplions actuellement les publications, en vue de nourrir le débat politique. Nous devons absolument rompre avec une certaine paresse d'esprit, ce poison hérité du régime EYADEMA et qui continue ses effets nocifs sous son fils et successeur.
•L'action.
Il nous faut rappeler toutefois que l'étude pour être féconde doit être complétée par l'action. En effet, la nécessité de l'étude n'est pas une raison pour rester enfermés entre quatre murs. Comme nous l'avons dit l'étude et l'action doivent se compléter dans la formation politique. La connaissance par l'étude doit justement nous aider, nous guider dans notre action qui est donc logiquement une partie importante de notre programme, et en retour l'action permet de vérifier et d'enrichir notre connaissance. En quoi doit consister notre action ?
Dans nos conditions actuelles, nous devons mettre l'accent sur le développement des CEAS. Il nous faut multiplier leur nombre, les étendre dans la diaspora. Dans ce sens, l'initiative de chacun a son importance, tout comme l'initiative collective: le compatriote qui a nos publications, qui est d'accord avec leur contenu, peut les mettre à la disposition d'autres compatriotes, engager la discussion avec eux, et contribuer ainsi à la création d'un CEAS.
Un CEAS déjà existant peut aussi engager des initiatives dans ce sens. De cette manière, nous pourrons parvenir, de proche en proche au sein de la diaspora, à ce vaste mouvement démocratique que nous souhaitons, et qui sera capable d'envisager des formes d'actions diverses; meetings, manifestations en soutien à la lutte sur le sol national.
•Le soutien
Le soutien à la lutte du peuple togolais est notre raison d'être, comme le précise d'ailleurs fort bien le nom que nous nous somme donné. C'est le troisième point de notre programme. Ce soutien est naturellement multiforme. Il y a le soutien politique, à travers nos prises de positions, les meetings et les manifestations que nous aurons à organiser pour dénoncer et isoler le régime dans l'opinion internationale, pour montrer notre solidarité avec les luttes et pour faire connaître celles-ci à l'extérieur. Il y a aussi le soutien matériel, également nécessaire, et qui n''est pas à négliger. Mais ce soutien doit se faire avec discernement. Il ne s'agit pas de soutenir n'importe qui ni n'importe quoi. Cela veut dire qu’il ne peut jamais être question de soutenir une organisation politique nationale dont le leader peut affirmer ouvertement sa disponibilité à servir les intérêts d'un pays étranger.
Par ailleurs imaginons un instant ces compatriotes de la diaspora, qui ont commencé par soutenir les marches et le mot d'ordre de «pas de réformes pas d'élection»; qui ont ensuite accepté de participer au financement de la campagne électorale de Jean-Pierre FABRE, après avoir été convaincus que le scrutin était gagnable comme en 1958; et qui s'entendent raconter maintenant que cette élection a juste servi à démontrer l'ampleur de la fraude ! Pire, qu'il faut recommencer les marches ! Non seulement ces compatriotes ont perdu leur temps et leur argent, mais nous craignons qu'ils n'attrapent le vertige à force d'entendre les mêmes leur servir autant d'arguments aussi contradictoires.
Avant d'envisager la question même de soutien, sous quelque forme que ce soit, il faut se poser cette question indispensable.
•Ce soutien va-t-il dans le sens des intérêts du peuple et de la démocratie ?
•Est-ce vraiment un appui à la lutte populaire contre la dictature et pour la démocratie ?
C'est là que doit intervenir le préalable de la ligne politique du programme. C'est là qu'il doit être question de notre discernement, comme nous le disons plus haut. C'est pour cela que nous sommes plus que réticents devant les campagnes des souscriptions que lancent ici et là les tenants de l'opposition dite démocratique. Nous espérons que les compatriotes eux-mêmes ont tiré les leçons nécessaires.
Avant de parler d'aide matérielle, il faut nous mettre d'accord sur l'objectif, et donc sur la ligne politique. Il n'est pas inutile, pour terminer, de rappeler ici les termes de notre plate-forme.
«L’objectif du Front des Organisations Démocratiques Togolaises en Exil en tant qu'organisation politique en terre d'exil, est de contribuer et de participer à la lutte émancipatrice du peuple.
Sa plate-forme est celle du soutien et de l'appui sans faille au programme des forces démocratiques nationales qui luttent sur le sol national pour la libération nationale, c'est-à-dire des forces :
•qui rejettent toute conciliation avec l'autocrate et qui considère que la démocratie peut s'instaurer sans la destruction de celle-ci;
•qui lient la lutte pour la démocratie et la lutte contre la domination impérialiste et néocoloniale; la lutte contre l'impérialisme français en particulier;
•qui font du peuple mobilisé et organisé de la lutte révolutionnaire du peuple, le moteur du changement démocratique et qui se démarquent de tout électoralisme».
- Le Togo En Lutte - Bruxelles, le 25 septembre 2015
Le Front des Organisations Démocratiques Togolaises en Exil
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Quelques débats autour des principes démocratiques.
Pour bien illustrer notre fidélité à notre ligne politique et la constance de nos positions, nous mettons ci dessous, à la disposition du public le courrier que nous avons adressé à la direction de la CDPA-BT suite à une lettre d'invitation que cette dernière avait envoyée au Front des Organisations Démocratiques Togolaises en Exil -Le Togo En Lutte- en novembre 2007.
La publication de ce document n'est pas destinée à entretenir un quelconque nouveau débat. C'est plutôt dans le but d'amener nos compatriotes en exil à réfléchir sérieusement sur le bilan de la lutte déclenchée depuis le 5 octobre 1990 et notamment sur la question de la démarcation par rapport ceux-là qui; en dépit de l'impasse se trouve l'opposition dite démocratique; continuent d'entretenir de dangereuses illusions à l'égard des leaders qui ont constamment montré leurs limites.
En lisant de manière approfondie ce courrier adressé à la direction de la CDPA-BT, nos compatriotes en exil comprendront par eux-mêmes, nous en sommes persuadés, la nécessité d'une telle démarche qui constitue pour les démocrates, l'une des conditions pour le renforcement d'un mouvement démocratique vivant en exil.
Chers compatriotes,
Nous avons bien reçu votre courrier du 14 novembre 2007, et pris bonne note de votre invitation à une rencontre entre nos deux organisations. Nous ne sommes pas en principe hostiles à l’idée de rencontrer et de discuter avec des organisations qui poursuivent le même but que nous: l’instauration de la démocratie dans notre cher pays, le véritable changement démocratique auquel aspire notre peuple.
Nous sommes conscients de nos limites en tant qu’organisation œuvrant à l’étranger, et de la nécessité d’unir nos efforts avec ceux qui travaillent dans le même sens que nous sur le sol national, le terrain principal et décisif de la lutte. Mais ces rencontres ne sont utiles que si elles servent à faire progresser réellement la lutte démocratique. Cela suppose naturellement, que nous ayons au départ un minimum de concordance de vue sans être nécessairement d’accord sur tout. Mais le fait est qu’il n’existe pas le moindre concordance entre nos deux organisations, contrairement à ce que vous affirmez dans votre lettre.
En effet,
•Le FODTE ne fait pas partie, n’a jamais fait partie du camp de l’opposition, que celle-ci se qualifie de démocratique radicale, modérée ou non. Il s’est quant à lui toujours situé dans le camp de la démocratie, et nous nous sommes toujours qualifiés de démocrates. Cela semble un paradoxe, mais il n’en est rien en réalité. Le terme d’opposition peut en effet être source de dangereuses ambiguïtés; il renvoie aux régimes de démocratie parlementaire où une majorité et une opposition alternent au rythme d’élections libres. On parle d’opposition alors que nous n’avons pas un tel régime chez nous.
•Ce terme peut ainsi conduire à nier la réalité de la dictature, et donc à nier la nécessité de la lutte pour la démocratie, et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si de nombreux tenants de l’opposition parlent d’alternance. Bref, on peut être dans l’opposition, mais tout simplement comme simple rival du pouvoir dictatorial, sans nécessairement œuvrer pour la démocratie. Le contraire de la dictature, c’est la démocratie, pas l’opposition. En affirmant notre appartenance au camp de la démocratie, nous annonçons clairement la couleur, c’est-à-dire notre position inconciliable avec le régime dictatorial, notre ferme volonté de le combattre et d’en débarrasser le pays. Mais nous nous démarquons également et clairement de ceux qui veulent s’en accommoder, voire pactiser avec lui.
•On peut certes toujours prétendre que le terme d’opposition suggère l’idée de s’opposer à la dictature. Mais, répétons-le, ce n’est pas nécessairement comme une alternative, encore moins comme «l’alternative». On le voit d’ailleurs chez nous: l’opposition comprend une forte représentation d’organisations, de courants, de personnalités qui, jusqu’à présent n’ont même pas commencé à admettre qu’une dictature existe chez nous, et qui ont toujours préféré utiliser le terme de «mou
vance présidentielle» pour désigner le pouvoir dictatorial. Cela signifie clairement qu’ils n’ont que de simples différends à régler avec le clan au pouvoir et c’est ce qu’ils veulent faire savoir. Par ailleurs, ceux-là n’ont jamais dénoncé l’impérialisme français, pourtant l’ennemi principal de notre démocratie, mais au contraire ils jugent sa domination incontournable et ne cherchent qu’à le servir à leur tour. Certains de ces leaders ont déjà intégré le pouvoir, et d’autres s’apprêtent naturellement à le faire, laissant dans le désarroi et dans la déception ceux qu’ils ont rassemblés au- tour d’eux pendant des mois et des années, ceux qui avaient sincèrement mis leur espoir en eux et qui se sentent maintenant floués.
•Nous avons toujours estimé, pour notre part, que le devoir des démocrates c’est de ne pas laisser les masses sous l’emprise et l’influence de ces gens qui, après s’être servis d’eux, sont prêts à les abandonner à leur sort, à les laisser dans l’impasse et dans la déception. C’est pourquoi, tout en nous mobilisant et en nous organisant contre la dictature, les démocrates se sont toujours démarqués de cette opposition. Le Front comme les organisations qui l’ont préfiguré ne se sont jamais reconnues dans cette coalition sans principes, et n’ont jamais cessé de démasquer et de dénoncer ces leaders.
La démarche de la CDPA-BT est exactement à l’opposée de la nôtre. Elle s’est toujours caractérisée par une attitude de «va-et-vient» à l’égard de cette opposition dont elle a toujours cherché à se rapprocher, pour s’en éloigner ensuite sans jamais chercher à s’en démarquer de façon claire. Même dans son appel pour une opposition extra parlementaire, on voit bien qu’elle n’a réellement pas pris ses distances. Cette attitude de «soutien critique» vis-à-vis de l’opposition, dans l’espoir de la corriger, a pour résultat que la CDPA-BT se situe bel et bien parmi ceux qui contribuent à entretenir de dangereuses illusions à l’égard de cette opposition au sein de laquelle elle a toujours revendiqué sa place. Ainsi, elle a fait partie de la CFD en 2002 pour s’en dissocier après; puis de nouveau elle a appelé à participer à l’élection présidentielle en 2005; à l’occasion des dernières élections, elle a appelé la population à s’inscrire sur les listes électorales, avant de s’opposer à la participation au scrutin. Bref, que dans ses attitudes changeantes, que dans ses zigzags, elle finisse par rencontrer certaines de nos positions, cela n’a aucune signification politique particulière.
➢Le fait que la CDPA-BT se retrouve dans les positions défendues par notre document du 5 novembre 2007 à propos des élections législatives, n’est donc qu’une coïncidence superficielle, et non le signe d’une quelconque concordance de vue. Il est vrai que la CDPA-BT s’est en fin de compte démarquée du processus électoral, après avoir dénoncé le manque de transparence, qu’elle parle de «légitimation» (et de «relégitimation») et que le Front de son côté, a appelé au boycott, en dénonçant la fraude, la mascarade, et que cela pourrait laisser croire que «nous disons la même chose», que nos positions poli- tiques se rapprochent. Mais ce n’est qu’une apparence, et nous savons bien que les apparences peuvent être trompeuses.
En effet, la CDPA-BT n’était pas opposée à ce processus électoral en soi, et la preuve en est qu’elle avait appelé la population à s’inscrire sur les listes électorales et à attendre les consignes de vote. C’est seulement par la suite qu’elle s’est ravisée, et il lui a fallu pour cela étudier le contenu de l’APG, pour avoir des doutes sur la transparence du scrutin; il faut donc croire que jusque là, elle s’imaginait qu’un accord sous l’égide d’un facilitateur comme Compaoré, pouvait servir la cause de la démocratie ! Même si par la suite elle qualifie l’élection du 14 octobre de «légitimation» de Faure, son opposition à ce scrutin n’était que conjoncturelle, une illustration de ses «va-et-vient» habituels. Notre opposition à nous est une position de fond. C’est l’idée même d’une participation à une quelconque APG dans son principe que nous excluons et que nous dénonçons en tant que démocrates. Parce que c’est d’abord l’APG, dont le résultat était d’ailleurs prévisible, qui en tant que tel participait de la légitimation de Faure Gnassingbé, l’apprenti dictateur. S’il faut parler de légitimation à propos du scrutin du 14 octobre, que penser donc de l’élection d’avril 2005 quand la question se posait alors avec plus d’acuité ?
En 2005, auteur d’un coup d’État, Faure était un hors la loi, même au regard de la constitution «toilettée»; son illégitimité était flagrante, et il était indigne de se présenter à une élection présidentielle. Sa candidature
était donc une véritable provocation à l’égard du peuple togolais, à l’égard des principes démocratiques. Dans ces conditions, la seule réponse digne, démocratique que le peuple pouvait opposer à ce nouveau coup, c’était de refuser massivement de participer à cette mascarade dont l’enjeu véritable résidait moins dans le résultat, d’ailleurs programmé d’avance, que dans le degré de participation populaire.
Un boycott massif aurait eu en effet une signification politique claire, tant sur le sol national qu’à l’extérieur de notre pays: Faure même «élu», serait resté marqué à jamais du sceau de son illégitimité et son illégalité; les démocrates du monde, les vrais amis du peuple togolais auraient compris ce geste, et tout cela aurait contribué à l’isolement politique de l’apprenti dictateur. Mais l’opposition a décidé d’appeler aux urnes et de participer à cette mascarade, et pour masquer ce déni de la morale et des principes démocratiques, elle a fait miroiter l’espoir fallacieux de la victoire d’une candidature unique, celle de Bob Akitani. Oui ! Oui, on a fait croire qu’un pouvoir putschiste pouvait organiser une élection et laisser élire un candidat de l’opposition pourvu qu’il soit unique ! La candidature unique était devenue en soi un miracle, le salut suprême, la solution rêvée ! C’est par cette mystification, que l’opposition a offert à Faure, sur un plateau d’argent, la caution de légitimité et de légalité dont il avait besoin, et tout cela, en livrant au passage, une fois de plus, le peuple sans défense aux bourreaux et aux assassins: des centaines de compatriotes massacrés, des dizaines de milliers contraints à l’exil, et tout cela pour rien. Pire, pour voir cette opposition se chamailler pour le poste de premier ministre !
La CDPA-BT a largement participé à cette politique de mystification, à cette politique de légitimation de l’apprenti dictateur Faure. Peut-on croire un seul instant, qu’elle ne savait pas en 2005 que les résultats de l’élection étaient «prévisibles dans le contexte politique qui prévaut dans le pays», comme elle le dira plus tard à propos du scrutin du 14 octobre ? Elle a hautement approuvé la candidature unique d’Akitani, qu’elle a qualifiée de «progrès», en rappelant avec une lourde insistance que Bob Akitani n’était pas le candidat de la seule UFC, mais de toute l’opposition. Qu’elle ait refusé par la suite, de participer à l’élection du 14 octobre n’y change rien. En effet, sur la question de la légitimation du pouvoir de Faure, l’essentiel a déjà été accompli avec l’élection présidentielle. C’est par sa participation à l’élection d’avril que l’opposition a permis à Faure et au clan Gnassingbé de donner une forme légale à leur nouvelle aventure putschiste.
Naturellement les rencontres qui ont précédé et suivi ce scrutin ont joué elles aussi dans sa légitimation. Si l’on doit parler de «légitimation» en 2007, c’est bien d’abord à l’APG qu’il faut songer, et nous voyons bien que la CDPA-BT n’en a pas condamné le principe.
Pour ce qui nous concerne, notre position a été toujours sans aucune ambiguïté. En effet, contrairement à l’opposition, après avoir condamné le putsch, nous sommes restés conséquents avec nous-mêmes en refusant toute participation à un quelconque scrutin, et en dénonçant en particulier le grand tintamarre autour
de la candidature de Bob Akitani, dont il était clair que ce n’était qu’une diversion destinée à masquer une nouvelle capitulation devant le fait accompli, la soumission au diktat du clan Gnassingbé et de ses alliés et maîtres internationaux, en échange de quelques strapontins. Mais ce n’est pas tout. Le Front et les organisations qui l’ont préfiguré se sont toujours démarqués et de façon ferme de toute politique de conciliation avec la dictature. L’opposition à l’Accord Politique Global, comme l’opposition à l’Accord Cadre de Lomé, relèvent de la même ligne politique. La position de la CDPA-BT au sujet de la mascarade électorale du 14 octobre reste quant à elle une simple anecdote dans un processus qu’elle partage avec l’ensemble de l’opposition. Voilà pourquoi nous parlons de simple coïncidence.
•pour nous démocrates, la lutte ne peut réellement avancer que si le peuple sait où nous allons, sur qui il peut compter, qui contribue à le retarder, qui lui fait obstacle, bref s’il cesse de se laisser berner. C’est pourquoi la tâche fondamentale qui in- combe à tout vrai démocrate, selon nous, c’est de s’atteler sans tarder à répandre les idées et les principes démocratiques pour contribuer à l’élé- vation de la conscience politique et de l’organisa- tion du peuple. C’est à cela que nous nous consacrons dans la diaspora togolaise. Cela sup- pose naturellement que nous assimilions nous- mêmes ces idées et ces principes démocratiques, que nous nous donnions la formation politique né- cessaire. C’est là que nous en sommes. Nous sommes persuadés que si d’autres organisations se mobilisent pour les mêmes tâches au pays comme à l’extérieur, elles finiront nécessairement par se rencontrer sur ce terrain, et ce sera réelle- ment dans l’intérêt de la lutte. Nous préférons de loin une telle perspective aux rencontres entre appareils dont nous nous demandons à quoi elles peuvent servir.
•Dans le même sens, nous ne voyons aucun intérêt à faire partie de cette opposition extra parlemen- taire que vous proposez dans votre appel. Ne fai- sant pas partie de l’opposition, comme nous l’avons dit, nous ne nous sentons donc nullement concernés par le devenir de celle-ci. Ce n’est pas le sort de l’opposition qui détermine nos positions et nos actions, mais notre analyse de la situation générale du peuple et de notre propre situation, et nous venons d’exposer ce que cette analyse nous impose comme priorité aujourd’hui.
•Mais on peut se demander pourquoi notre Front, qui s’est toujours fait connaître pour sa critique in- transigeante des partisans de la démocratie par les urnes, entend garder ses distances devant cet appel pour une opposition extra parlementaire, c’est-à-dire, qui, si nous comprenons bien, pré- tend précisément se démarquer de la voie de la démocratie par les urnes ? C’est ce que nous nous devons d’expliquer pour contribuer au né- cessaire débat politique. Nous sommes persuadés en effet, que l’une des conditions pour un mouve- ment démocratique vivant et fort, c’est le débat politique qui nous a fait défaut depuis tant d’an- nées. Depuis 1991, les partis de l’opposition, partisans de la démocratie par les urnes, d’une opposition parlementaire, se sont efforcés de se regrouper dans des organisations unitaires: FOD/COD1 COD2, CFD. Aucune des ces organisations n’a ébranlé le pouvoir en place. Leur faillite n’était pas seulement due à la voie choisie face à un pouvoir armé jusqu'aux dents. Encore que nous ne devons pas oublier que ce pouvoir, malgré son armée, a justement failli être emporté en octobre- novembre 1990. Ce qui prouve bien que le rôle de l’armée ne suffit pas à tout expliquer sur notre situation. Cet échec s’explique aussi et largement par la fragilité de ces regroupements, par leur manque de consistance. Ce sont les leaders eux-mêmes qui rapportent les visites nocturnes et clandestines que certains d’entre eux rendaient à Eyadéma au plus fort de la montée du mouvement démocratique.
Mais pourquoi cette difficulté à s’unir alors que tous se réclament de la démocratie et s’accordent sur la voie de la démocratie par la conciliation et par les urnes, sur forme parlementaire de la lutte ? La CDPA-BT a elle- même trouvé la réponse. Elle reconnaît en le regrettant, que l’opposition n’est pas unie, qu’elle est composée de deux courants: un courant composé de ceux pour qui la lutte pour la fin de la dictature passe par «une course concurrentielle des chefs des partis d’opposition entre eux pour la conquête du pouvoir», et un autre comprenant ceux qui estiment «qu’il faut d’abord mettre un terme au régime despotique avant de s’engager dans la compétition pour le pouvoir par les élections». Elle admet ainsi qu’au sein de cette opposition, tous ne donnent pas le même contenu à la démocratie dont ils se réclament. Elle conclut même que «la lutte pour la démocratie ne peut jamais atteindre son objectif si l’on continue de naviguer dans la confusion». Autrement dit, que c’est un problème de fond, qu’il faut résoudre impérativement.
Or ce que nous propose la CDPA-BT, c’est un regroupement fondé seulement sur le choix de la forme extra parlementaire de la lutte. Un regroupement, qui, une fois de plus, néglige le problème de fond. Nous craignons qu’un tel regroupement ne connaisse le même sort que ceux tentés par l’opposition jusqu’à présent. Si la CDPA-BT veut être logique et conséquente avec elle-même, elle doit comprendre que le plus important c’est justement ce contenu, la signification du mot démocratie. Qu’est-ce que «le pouvoir du peuple par le peuple» ? Qu’est-ce que la démocratie ? Quelles sont les exigences de la lutte pour la démocratie ?
Sans vouloir être des donneurs de leçons, nous pensons qu’elle doit même faire son propre bilan de sa pratique par rapport au sens du mot démocratie. Ce sont là des questions d’importance qu’il convient d’approfondir, sur laquelle il faut d’abord s’accorder, et ce n’est pas simple. C’est une fois réglé le problème de fond, que l’on pourra s’accorder sur les formes que peut revêtir la lutte. Nous disons bien les formes, car pour nous, selon les circonstances, elle peut être parlementaire ou extra parlementaire, l’essentiel étant de savoir saisir le moment où elle peut revêtir telle forme plutôt que telle autre, et de prendre soin à chaque fois de s’expliquer, par respect pour le peuple. C’est ce qui fait la différence entre les partis et les organisations se réclamant de la démocratie, et les clubs électoraux de l’opposition. Dans la même logique, le débat doit porter également sur ce que l’on entend par parti, organisation démocratique. Justement l’analyse que développe la CDPA-BT pour justifier son appel ne confirme pas que nous ayons le même point de vue de la situation et partant, la même conception de la démocratie.
Les enseignements que la CDPA-BT tire de l’élection du 14 octobre 2007, c’est que l’UFC, d’après elle a réussi à montrer son importance par rapport aux autres partis. Selon la CDPA-BT «le scrutin a permis de clarifier la situation politique de l’opposition», et elle en conclut qu’«il est possible que cette clarification ouvre des perspectives nouvelles pouvant permettre la poursuite du combat du peuple togolais pour la démocratie avec plus de cohérence et d’efficacité». Mais dit-elle, «quelle que soit la nature des garanties que Faure pourrait éventuellement accepter de donner à Gilchrist comme ce dernier lui demande, les choses ne seront pas faciles pas plus à l’assemblée qu’au gouvernement.....l’UFC aussi ne pourra rien faire dans le sens d’une réelle démocratisation du système politique en vigueur, pour permettre l’alternance démocratique du pouvoir». Ces réflexions suscitent plusieurs remarques.
La première remarque, c’est que la CDPA-BT considère comme normale la participation éven- tuelle de l’UFC au gouvernement. Nous pensons pour notre part qu’une organisation réellement démocratique n’a pas à participer à ce genre de gouvernement, et cela renforce naturellement nos interrogations sur la CDPA-BT.
La deuxième remarque, qui se situe dans la ré- flexion précédente, c’est que la CDPA-BT envi- sage la démocratie en terme «d’alternance dé- mocratique». Comment peut-on parler d’alter- nance alors qu’il faut mettre fin à la dictature ? La démocratie, pour nous se pose en termes d’alter- native, par rapport à la dictature, c’est-à-dire un changement total des structures et des hommes et nous ne pensons pas qu’un démocrate puisse même songer à demander des «garanties» à l’ap- prenti dictateur.
La troisième réflexion concerne l’UFC considérée comme facteur de transformations démocra- tiques et la perspective nouvelle qu’aurait ou- verte selon la CDPA-BT, sa position dominante au sein de l’opposition à l’issue du scrutin (même si «les choses ne seront pas faciles»). Pour mesurer la portée réelle de cette perspective, nous pren- drons deux faits que nous relevons dans l’interview accordée le 26 octobre à «L’Observateur» journal de Ouaga. Le premier a trait aux explications de Gilchrist Olympio pour justifier la participation de l’UFC aux élections du 14 octobre, alors que de son propre aveu, l’APG n’a résolu aucun des pro- blèmes pouvant permettre la transparence et l’équité du scrutin. Il a, dit-il, «accepté beaucoup de compromis pour pouvoir participer aux élec- tions», parce que le pouvoir et le RPT faisaient tout pour que L’UFC quitte le processus et claque la porte, et parce qu’il ne voulait plus faire «la poli- tique de la chaise vide». Nous pensons pour notre part que le clan Gnassingbé n’avait aucun intérêt à ce que l’UFC boycotte les élections, au
contraire. Mais ce qui est certain, c’est que ce parti est donc allé aux élections sans avoir défini un objectif politique précis, simplement pour aller aux élections. L’autre fait concerne la décision de l’UFC de saisir la Cour constitutionnelle. Gilchrist Olympio savait que cette cour est acquise au RPT, comme il le reconnaît dans la même interview. Il se justifie en expliquant que c’était pour éviter qu’on les accuse d’être des hommes qui n’aiment pas l’ordre.
L’UFC s’affirme donc comme un parti de l’ordre, et nous nous demandons en passant ce qu’en pense la CDPA-BT, avec son projet d’opposition extra parlementaire. En réalité, la démarche de l’UFC ne servait à rien, juste pour avoir l’air de faire quelque chose. Ce que ces deux faits suf- fisent à confirmer, c’est que l’UFC est un parti sans aucune stratégie, que c’est un parti qui ne vit que sur le capital de sympathie accumulée du- rant la lutte anti-coloniale par le CUT dont il est l’héritier, mais qui n’a rien à proposer en matière de démocratie.
Pire, dans sa préoccupation a être reconnu comme le leader de l’opposition, ce parti a joué ces derniers temps un rôle de premier plan dans la légitimation de l’apprenti dictateur Faure. Ce n’est pas seulement avec la candidature de Bob Akitani. Rappelons-nous les rencontres d’Abuja, de San Egidio, de Ouaga. Mais tout cela pour quel résultat politique ? Avec 27 députés, l’UFC sert tout au plus d’alibi démocratique au régime actuel. C’est un immense service rendu à Faure qui pourra ainsi désormais, avec sa majorité et la caution de ses appuis extérieurs, appliquer en toute légalité, sa conception de la démocratie, cette conception selon laquelle la démocratie s’arrête là ou commencent les intérêts du clan Gnassingbé. Il lui suffira d’ailleurs de débaucher 4 députés de l’opposition pour avoir la majorité des 2/3 et pouvoir faire tout ce qu’il veut.
Les nouvelles perspectives qu’évoque la CDPA-BT ont donc pour nous un nom: cela s’appelle l’im- passe. C’est la véritable situation de l’UFC qui, d’une part, ne peut rien obtenir par la voie parle- mentaire, et d’autre part ne dispose pas d’une grande marge de manœuvre si elle choisit la rue: elle risque seulement d’être frappée par la «léga- lité» de Faure.
Dans ces conditions, nous ne voyons pas, contrairement à vous, quelles garanties ce dernier pourrait donner à Gilchrist. Nous sommes franchement sidérés d’entendre parler de garantie, au moment même où justement, Faure est en train d’accomplir ce pourquoi il a été préparé: assurer la pérennité et l’hégémonie du clan Gnassingbé, poursuivre la mise en coupe réglée de l’économie de notre pays. C’est à cette fin qu’Eyadema s’est livré pendant les dernières années de sa vie, aux tripatouillages constitutionnels et électoraux que l’on sait, et c’est pour cela qu’on n’a pas hésité à fomenter un putsch, à se livrer à un nouveau massacre. Et on voudrait attendre des «garanties» de la part d’un tel pouvoir ? En tout cas ce n’est certainement pas dans le sens de la démocratie.
Contrairement à vous, nous ne faisons aucune illusion sur l’UFC en matière de transformations démocratiques, et cela confirme bien que nous n’avons pas la même conception de la démocratie, ni le même point de vue sur la situation. Pour nous d’ailleurs, la lutte pour la démocratie ne saurait se réduire à une querelle dynastique entre le clan Gnassingbé et le clan Olympio. Nous sommes tout de même en république et nous ne devons l’oublier. Et nous n’avons pas du tout l’intention de servir de supplétifs à l’UFC. Tel est notre point de vue sur votre appel.
Nous avons été assez long. Mais au risque de nous répéter, nous disons que ce qui manque sur la scène politique de notre pays, ce sont les débats sur les problèmes de fond. Ces débats sont indispensables pour assurer la vitalité d’un véritable mouvement démocratique chez nous. C’est à ces débats nécessaires que nous voulons contribuer, au-delà de notre réponse à votre invitation.
Nos sincères salutations
Bruxelles, le 30 décembre 2007
Le Comité exécutif du Front des Organisations Démocratiques Togolaises En Exil
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