BENIN: UNE PARODIE DE DEMOCRATIE
Les leaders des partis dits de l’opposition démocratique, les tenants et défenseurs des «Conférences Nationales Souveraines» nous ont toujours présenté le régime béninois comme un modèle en matière de démocratie en Afrique. A l’instar de leurs maîtres impérialistes ils ont toujours voulu voir ce «modèle» comme la preuve de la réussite de la «démocratie par le dialogue et les urnes», l’exemple à suivre pour notre continent. Rappelons-nous à cet égard du communiqué publié le 25 mars 1996 par la CDPA de Gnininvi et saluant l’élection de Kérékou comme «une avancée démocratique» au moment même où les démocrates et les honnêtes gens dénonçaient un putsch institutionnel. Tout récemment c’est Tété Godwin Adjalogo qui, dans un courrier adressé le 7 août 2000 à notre rédaction1 affirmait pour justifier la présence de la CDPA-BT à la CNS, que «c’était l’écrasante majorité de notre peuple qui inspiré par le cas béninois, voulait la CNS ». Nous n’avons jamais partagé – ce n’est un secret pour personne – cet engouement pour ce prétendu «modèle», et nous avons toujours promis de montrer sous son vrai jour, le moment venu la réalité de la «démocratie béninoise». Justement l’élection présidentielle des 4 et 22 mars nous fournit cette occasion. Certes, les élections ne font pas à elle seules la démocratie, et nous ne sommes pas de ceux qui accordent au suffrage universel une valeur absolu. Mais nous pensons néanmoins que la manière dont se déroule un scrutin électoral fournit des indices intéressants sur la nature d’un régime. En l’occurrence, cette élection béninoise fut plus qu’édifiant ! En matière de fraude, de corruption, de hold-up électoral, on a atteint des sommets inégalables et un citoyen togolais ne se serait pas du tout senti dépaysé !
Pour illustrer notre propos, point n’est besoin d’écrire un nouvel article ; il suffit de se reporter à la presse internationale qui a largement abordé le sujet. Et c’est ce que nous avons décidé de faire. Par là, nous entendons apporter la preuve à nos détracteurs, à ceux qui nous accusent de toujours critiquer ; que l’on arrive nécessairement aux mêmes constats que nous, dès que l’ont veut garder les yeux ouverts, que l’ont recherche la vérité. Parmi les nombreux articles consacrés à cet événement il y a en a un qui sort du lot ! C’est celui paru dans le N°139 (avril 2001) du Nouvel Afrique-Asie, un article au titre évocateur : Le scandale, la honte et le sursaut. Nous avons décidé de le reproduire ici , et d’en faire l’essentiel de ce présent numéro.
Certes, il manque certains détails, certains faits importants qui auraient suscité d’y figurer. Ainsi, on sait que l’intention de la clique Kérékou était de proclamer la victoire de leur chef dès le premier tour, et que c’est l’intervention de Soglo sur une radio privé, (Radio Planète) pour dénoncer l’ampleur de la fraude qui les a contraints à y renoncer à quelques minutes près à revoir leurs chiffres à la baisse; on ajoutera que le directeur de cette radio, attaqué par les nervis du régime n’a dû son salut que dans la fuite et qu’il s’est cassé un bras en sautant par la fenêtre ; on peut également évoquer les tribulations de l’envoyée spéciale de RFI dans le Nord pour avoir parlé de mascarade.
La corruption est un sujet qui à elle seule demandaient plusieurs chapitres supplémentaires par exemple, il n’est pas sans intérêt de savoir que Kérékou a consacré pas moins de 18 milliards de F.CFA a cette élection. Sur quels fonds ? Il y a eu cette profusion de «cadeaux» de toutes sortes notamment des T-shirts dont certains en provenance du Togo d’Eyadema, (lequel a par ailleurs effectué une mystérieuse visite au Bénin la veille du scrutin). Et ces distribution massives de billet de banque ; au point qu’on a vu surgir de partout des sections de partis se réclamant de Kérékou le matin et de Soglo le soir, leur seul but étant de pouvoir manger à tous les râtelier de ramasser le maximum de sous. Un tel dévouement des pratiques électorales est bien le signe d’un régime complètement pourri : un régime qui, à y voir de près ne diffère pas tellement du nôtre. Et le maintient de la candidature bidon d’Amoussou Bruno au second tour, n’est pas sans rappeler celle tout aussi bidon de Jacques Amouzou en 1993 au Togo.
Tout cela est un démenti cinglant pour tous ceux qui, ces dernières années, s’efforcent de nous faire croire «qu’au Bénin au moins le processus démocratique a bien abouti»; pour tous ceux qui ont voulu faire passer le régime béninois comme la preuve de la réussite et par conséquent de la justesse de la «voie de la démocratie par le dialogue et par les urnes». Mais la réalité est là, aveugle : pas plus au Bénin, qu’au Congo-Brazzaville, au Gabon dans l’ex Zaïre ou au Togo, la démocratie, la vraie, ne saurait être le résultat d’un compromis avec l’autocratie, par le biais d’une «Conférence Nationale Souveraine», et c’est ce que nous confirme à nouveau cette mascarade électorale béninoise.
La vraie démocratie, exige en effet un bouleversement total, dans les domaines: politique, institutionnel, militaire, économique, social, culturel, moral ; c’est plus qu’un simple changement de gouvernement. (…) aux «conférences nationales souveraines», elles ne sont que l’occasion de disputer entre valets de l’impérialisme pour accéder au gouvernement, pour occuper des postes dans l’appareil d’Etat néocolonial afin de pouvoir bouffer. Que dans ces conditions les élections tournent à la farce, il n’y a rien que de plus logique et nous ne voyons pas pourquoi le Bénin ferait exception.
C'est donc le bien de faire état de quelques réserves par rapport a certains points de vue développés dans ces articles.
Le premier de ces réserves concerne les observateurs internationaux: il est vrai que l’absence de ces observateurs est une manœuvre du clan Kérékou qui tenait à organiser sa fraude a l’abri de regards étrangers en toute tranquillité. Mais il s’agit là d’un détail anecdotique sans importance décisive contrairement à ce que l’auteur laisse entendre. En effet, les observateurs internationaux ne sont pas nécessairement une garantie de la justesse et de la transparence des scrutins. Parfois même, ils servent tout simplement d’alibi, et au Togo nous en savons quelques chose : lors de l’élection présidentielle de 1993 il y avait une muée de ces observateurs, dont le plus illustre n’était autre que Jimmy Carter l’ex-président des Etats-Unis. Ce dernier a même tenu une conférence de presse pour dénoncer les nombreuses irrégularités et il a été suivi par la plupart de ses confrères y compris par des parlementaires français. Mais est-ce que cela a empêché Eyadema de se proclamer élu ? Non ! Au contraire, et, suprême décision, l’autocrate avait ses propres «observateurs internationaux » ! !
Nous demeurons pour notre part convaincus que la meilleure et véritable garantie pour des élections justes réside dans le peuple lui-même. Mais un peuple conscient, mobilisé, organisé. Ceux qui veulent tenir le peuple à l’écart, réduisent la lutte politique à des querelles entre clans rivaux, ce sont ceux-là qui ont besoin d’observateurs internationaux. Pas les vrais démocrates. Par ailleurs, il est utiles de souligner que cette élection n’avait aucun rapport avec un processus démocratique réel. Son enjeu, c’était tout simplement l’alternance éventuelle entre clans rivaux valets de l’impérialisme au sein d’un régime d’oppression, un régime néocolonial. Dans ces conditions la victoire de l’un ou de l’autre de ces clans avec ou sans observateurs internationaux n’y aurait rien changé: plus particulièrement le peuple béninois n’avait rien à espérer de la victoire de Soglo, et cela l’auteur ne le souligne pas.
Dans notre deuxième réserve –celle-ci porte sur le titre même de l’article, ou tout au moins sur une partie de ce titre. En effet, que cette mascarade soit un scandale et en même temps une honte, il n’y a aucun doute à se faire à ce sujet. Mais là où nous ne suivons plus c’est lorsqu’on nous parle de sursaut. Mais de quel sursaut s’agit-il ? Parce que Soglo suivi de Houngbedji se sont retirés du scrutin au dernier moment ? Le terme serait justifié si en se retirant il avait laissé entrevoir une quelconque alternative. Or il n’en fut rien ! Soglo s’est contenté de se retirer en laissant ses partisans sans aucune perspective. Plutôt de sursaut, il faudrait à notre sens parler plutôt de retrait piteux. Mais il ne pouvait pas faire autrement puisque justement il n’avait aucune alternative à proposer. Soglo n’est qu’une autre face du même système. Ces précisions étant donnés, nous vous invitons à découvrir et à lire cet article.
Source : Le Journal L'EXILE, numéro 13 et 14 - avril 2001
1 CF. L’EXILÉ N°10 page 4